Théâtre Le Pic, 20h04

Maintenant que j'ai commencé ça, je me sens obligé de continuer à écrire des conneries.

Ça ne durera pas longtemps.

C'est peut-être déjà fini. Dernières lignes avant la chute.

J'ai écrit beaucoup cet été pourtant. Je me suis remis à écrire dans des carnets avec un stylo plume, comme un adulte. Et je continue le journal sur ordinateur aussi. Et oui : c'était très intéressant. Tout était vraiment très intéressant. J'ai écrit des pages et des pages et des pages et il n'y a rien à jeter. RIEN. C'était parfait, accompli, final.

Mais ici, rien. J'avais autre chose à foutre et vous aussi.

Et là... J'ai rien à dire, honnêtement. Un peu comme si vous étiez ma femme et que j'avais passé tout l'été (et toute la matinée) avec ma maîtresse : la libido n'est plus ce qu'elle était ; on est sur de la fin du tube.

Peut-être une chose : je suis assis sur le bord en pierre du théâtre Le Pic et ça pue la pisse. J'adore cette petite place mais j'ai mal choisi mon endroit. Et maintenant que j'ai sorti l'iPad, que je l'ai posé sur les genoux, que je l'ai connecté au téléphone, j'ai plus envie de me lever.

Bon, si, quand même. Ça pue trop.

Voilà.

Bien sûr, je peux être en train de mentir. Peut-être que j'écris ça dans le train ou à mon bureau et que je vous mène en bateau. AHA ! Je vous ai bien eu, non ? Bien sûr, d'aucuns se poseront la question "pourquoi" ? Pourquoi mentir ? C'est une très bonne questions. Je ne mens pas. Je suis là où je dis.

Ces ligne sont-elles aussi mornes à lire qu'à écrire ? Je n'y prends aucun plaisir. On ne réfléchit à rien, tout est circonstanciel, sans suite, sans enjeu. Du pipi de chien, ici comme là-bas.

Mais il faut passer par là. Vous voyez comment, subtilement, je suis passé de métaphores scatophiles lors des premiers posts à des considérations d'avantage urinatoires ici. On reste proche du pot. Mais c'est de là qu'il faut partir. Rien ne sert de s'élever artificiellement. Il n'y a qu'une seule réalité, comme on a vu.

Et je me rends compte que j'essaie de faire de la quantité. J'essaie d'atteindre une certaine longueur de texte, ce qui est débile. En même temps, c'est un "flot", donc vous étiez prévenu.

Ce qui est drôle c'est que, comme je vous ai dit – c'était ironique mais le fond était vrai – j'ai écrit de très jolies choses dernièrement. Genre : des petits poèmes de cinq ou six lignes assez rigolos, assez piquants, pas prétentieux, mais qui laissent une marque. Sortis d'une traite, ou presque. Et quelques réflexions sur la vie très forte. Genre des choses qui me tournent dans la tête depuis des mois, peut-être des années, et que j'ai enfin réussi à mettre en mot de façon extrêmement concise, claire et d'une traite également. 

Mais je ne vais rien partager de tout ça ici.

C'est pas le lieu. 

Et c'est vrai que c'est un peu chiant d'avoir autant de lieux. Ici, le blog, mon journal, mes carnets, facebook, instagram, les scénarios, le mur des chiottes. On aimerait tout écrire au bon endroit, systématiser le processus, mais ce n'est pas souhaitable. Chaque chose a une place où elle sera mieux.

Ce qui me fait penser : systématiser, mécaniser est toujours une erreur.

On cherche le bon processus, la bonne façon de faire, celle qui va nous permettre d'éteindre une partie du cerveau afin de créer le reste en mode automatique. Avancer. Mais ça ne marche jamais. Ou ça ne produit rien d'intéressant. C'est le chaos qui crée. Quand rien n'est à sa place, que rien n'est prêt, qu'on est encore au milieu de la première répétition et qu'on nous dit "en fait, on va tourner celle-là et il n'y aura qu'une seule prise".

D'ailleurs, je m'interdis de refaire les choses au propre désormais. C'est une aberration. On fait, c'est tout. Et on passe à autre chose.