Contre-Temps

Encore allé au théâtre par surprise hier soir où j'ai vu Contre-Temps, de Samuel Sené. Formidable !

Julien Mouchel (piano), Marion Préïté et Marion Rybaka dans Contre-Temps.

Comme un documentaire mais au théâtre : plutôt que des images d'archives et une voix off, tout est narré au présent par deux cantatrices et un pianiste qui retracent la vie – trépidante – du compositeur François Courdot en interprétant ses principales oeuvres.

Au coeur du spectacle, on trouve notamment une interpretation magnifique de "L'air du Froid" de Purcell, dont je vous remets la version de Klaus Nomi ici :

En sortant, je me suis intéressé à ce morceau dont tout le monde connaît la mélodie mais souvent pas les paroles – qui pourraient pourtant sortir tout droit de Games of Thrones :

What power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow?
See'st thou not how stiff and wondrous old
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath?
Let me, let me freeze again to death.

Je ne mets pas la traduction française qui est nulle. Démerdez-vous.

Autre détail amusant : je me suis aperçu que la musique du spectacle avait été arrangée par Raphaël Bancou, un ami pianiste que je n'ai pas vu depuis dix ans. Je lui ai envoyé un message et je vais le voir mardi au Rond Point dans Je suis Gréco. La vie, parfois.

On est dans la Merde

Je sus éco-anxieux depuis longtemps. J'en parlerai plus en détail dans de prochains posts mais la vidéo ci-dessous résume bien mes peurs, à savoir que nous continuons à penser de manière linéaire dans un monde exponentiel.

Autrement dit : quand un phénomène devient visible, il est souvent déjà hors de contrôle.

Même si on découvrait que ces fameux "hot models" n'étaient pas exacts, ils seraient vite supplantés par d'autres qu'on n'a pas vu venir non plus.

Barbie vs Poor Things

Deux films sur le féminisme et le passage à l'age adulte dont les premières trente minutes m'ont fait me demander : "Ils ne comptent pas faire un film entier avec ça ?".

Pour Barbie, la réponse était "malheureusement, si".

Comme pour Edmond, c'est un film dont j'aurais aimé partager l'amour avec le reste du monde. J'étais prêt à rire et à être conquis mais... patatras. Le film se résume à une longue succession de clins d'oeil que les auteurs adressent au public pour dire "vous avez vu comme on a retourné ça ? C'est malin, hein ?". Oui oui, c'est malin. Mais après dix clins d'oeil, quand on réalise qu'il n'y a pas d'histoire à proprement parler, que les enjeux liés au féminisme ou à Mattel sont de l'habillage et que les personnages sont des coquilles vides... on se sent floué. Comme un long sketch SNL qui aurait mal tourné. J'ai eu du mal à arriver au bout et la fin n'a pas récompensé mon effort.

Poor Things, de Yórgos Lánthimos, est différent.

Les personnages, l'atmosphère et l'humour sont étranges, inattendus et, là encore, j'ai eu peur que le film ne se complaise dans cette étrangeté au point d'y rester bloqué. Mais pas du tout : rapidement, le film avance ; les personnages évoluent ; l'histoire suit son cours avec des choix forts. C'est un mélange entre un conte de fées et un conte philosophique dont les retournements peuvent sembler loin de nos préoccupations – tous ces gens sont beaucoup plus beaux ou beaucoup plus laids que nous, souvent avec des personnalités très caricaturales, au moins au départ – mais qui finit par poser des questions très proches des nôtres : à quel point suis-je la prolongation de mes parents ? Suis-je trop conditionné par la société pour être moi-même ? Comment atteindre une forme de liberté et de plénitude dans un monde imparfait ?

Comme dans tout bon conte, on ne comprend pas nécessairement chaque allusion – tout n'est pas explicité pour une fois, merci – mais on sent que ça parle de nous et on en sort un peu transformé. N'est-ce pas ça, le cinéma ?

Ma Vie en 2 Étapes

On dira que je découvre l'Amérique. Sûrement.

Mais après avoir compris comment une chanson peut simplement être une "mise en temps" d'un texte grâce à Léonard Cohen, je découvre comment le design n'est parfois qu'une mise en espace des mots.

Pour preuve, ces trois listes que j'avais dans mes notes et que j'étais réticent de partager sous forme de texte brut. Pour transmettre l'humour et l'urgence, il fallait des images :

Ce qui ne donne pas une très bonne image de la communication des entreprises EN DEHORS des crises.
Méfiez-vous : ça vient très vite.
Le plan est en cours.

Trois étapes, c'est pour les losers.

Ma Nouvelle Approche des Réseaux

Ça pourrait ressembler à une résolution de fin d’année mais pas du tout. C’est l'aboutissement d'une rébellion que je fomente depuis un moment.

L'année dernière, sans tambour ni trompette, j'avais (quasiment) abandonné facebook, linkedin, twitter et compagnie. Mon soucis avec les réseaux était multiple :

  • On ne choisit/sait pas qui voit quoi, ni quand,
  • Aucun contrôle sur l'apparence du site, ni la mise en page,
  • Tout peut changer du jour au lendemain sans prévenir,
  • Les contenus mis en avant ne m'intéressent pas,
  • Je déteste les pubs,
  • Les gens finissent par produire du contenu "pour l'algorithme",
  • Ça enrichit des sociétés que je n'admire pas,
  • Je suis fatigué du réflexe de regarder mon portable.

En parallèle, j'avais créé ce blog.

Mon idée était simple : j'allais poster ici tout ce que je postais ailleurs. Sur un site que je gère, dont je choisis l'apparence, qui n'est pas soumis au contrôle d'un tiers ou d'un algorithme. Et qui n'enrichit personne (à part mon hébergeur – et encore, pas beaucoup).

Bien sûr, ce faisant, j'ai perdu certains avantages :

Plus de likes. Plus de partages. Et, en vrai : plus de visiteurs.

Ce dernier point aurait dû être rédhibitoire – après tout, on publie pour être lu – mais, étrangement, j'ai continué. Pendant un an, j'ai posté du contenu sur un blog que presque personne ne venait voir.

S'est alors produit quelque chose d'inattendu.

Les mois passant, mes contenus se sont transformés. Mes articles se sont allongés, rapprochés de mes véritables préoccupations. Je me suis mis à refaire de la photographie, à écrire des dialogues, à publier des dessins, à créer davantage.

J'ai aussi commencé à améliorer le site – apparence, navigation, fonctionnalités – de sorte que c'est rapidement devenu un "chez moi". Où je me sens bien. Qui m'inspire comme un artiste peut être inspiré dans son atelier.

Mais surtout, malgré l'absence de visiteurs, chaque publication m'apportait davantage de satisfaction. Curieusement, je prenais plus de plaisir à créer pour personne que pour le public élusif et informe des réseaux.

Un an plus tard, je dirais que j'ai tiré trois enseignements de cette expérience.

Premièrement, à titre personnel, je me suis rendu compte que l'étagère sur laquelle je pose mes poteries est plus importante que je n'imaginais. J'ai besoin de cases où ranger ce que je fais – mêmes les petites choses – sans quoi le processus de création se bloque en amont.

Deuxièmement, on crée d'abord pour soi.

Plutôt qu'un explication maladroite, je suis récemment tombé sur deux vidéos d'artistes que j'admire qui le racontent bien mieux – et avec plus d'autorité – que moi :

"Ne jouez jamais pour la galerie. Ne travaillez jamais pour les autres."
– David Bowie, dans cette vidéo.

"Le public vient en dernier. Et j'y crois. Je ne le fais pas pour eux, je le fais pour moi."
– Producteur de légende Rick Rubin, dans ce short

(Sans oublier cette vidéo dont j'ai déjà parlé : Créez ou Soyez Dévoré.)

Enfin, bien sûr, il faut quand même partager. Sinon, c'est de la masturbation.

C'est pourquoi depuis peu, je me remets à publier sur les réseaux. Avec une différence importante : désormais, création et diffusion sont dissociées.

Tout passe d'abord sur mon étagère. Qui n'impose aucune règle, ne mets aucune pression, ne joue aucun jeu. C'est un moteur qui pose une unique question : "Est-ce que ça te plaît vraiment ?".

Puis après, seulement, je mets en vitrine.

The Face of Love

En ces périodes de fête, une chanson qui célèbre l'amour. (Pas l'amour possessif et dégoulinant des comédies américaines, celui pur et immédiat de la sagesse orientale.)

Adolescent, j'avais manqué Pearl Jam et je ne savais pas grand chose d'Eddie Veder hormis que mes amis musiciens le vénéraient. Puis j'ai découvert la bande originale de Into the Wild, notamment No Ceiling et Society. Puis j'ai réalisé que c'était lui, encore, qui était à l'origine de la BO du formidable Dead Man Walking.

Donc récemment, je réécoute cette chanson :

Un mélange de country et de chants traditionnels que j'aurais aimé voir en live. L'éclat de voix à la fin devrait suffire à déclencher un éveil spirituel quand on se le prend de face.

La Source de l’Action

Mingyur Rinpoche résume en une belle citation ce à quoi je réfléchis depuis quelques temps, à savoir que la raison d’agir est souvent plus importante que l’action elle-même (traduction maison):

Imaginons que tu décides de planter mille arbres. Si ton cœur est totalement pur et que l'amour pour l'écosystème est ta seule motivation, c'est un projet formidable.

Cependant, cela devient problématique si, malgré tes bonnes intentions, une petite voix murmure « ça va vraiment me donner une bonne image » ou « j’ai du mal à trouver un emploi, alors peut-être devrais-je utiliser ce projet pour lancer une organisation et en tirer un profit. » Si tu n'adresses pas ton environnement intérieur, même tes actions altruistes peuvent devenir intéressées. Elles peuvent passer au second plan par rapport à tes problèmes personnels. Elles peuvent causer des troubles dans ton esprit, ou parmi tes amis et ta communauté. La situation peut devenir très compliquée.

En revanche, si tu transformes ton état d’esprit pour te mettre au service des autres, tes actions auront un pouvoir immense. Sans ton esprit, tu ne peux rien faire. C'est ta tour de contrôle, la force qui te guide et contrôle tes actions, te menant de A à B. Si tu as des doutes là-dessus, rappelle-toi qu'en ce moment même, si ton esprit ne pensait pas « d'accord, il est temps de passer à autre chose », tu regarderais cette phrase pour le reste de ta vie. Pour aider les autres, ta tête et ton cœur doivent être au bon endroit. Tout part de l'environnement intérieur.

– Mingyur Rinpoche

Après, je pense qu’il n’y a jamais de bonne raison d’agir – si on attend d’être sûr, on ne fait jamais rien. En revanche, il existe assurément de mauvaises raisons : l’anxiété, la peur, la colère, le besoin de montrer qui on est. C’est de celles-ci dont il faut se laver avant de se mettre en mouvement.

Non pas que j’y arrive, hein. Mais j’y réfléchis.