17h30, Café Chez Willy, Trouville

Du coup j’écris plus rien dans le blog maintenant que je laisse libre cours à mes diarrhées verbales ici. Mais bon, c’est l’été. Un peu comme les séries pourries qui remplacent les programmes habituels dans les journaux. On s’en fout, tout le monde est à la plage. Personne n’a envie de lire de la philosophie avec le soleil dans les yeux et du sable dans le slip.

Mais justement : parlons philo.

Je repense beaucoup au souffle en ce moment, à la respiration. Pour trois raisons. (Si je m’arrête avant trois, rappelez-moi, c’est que je me suis perdu en chemin.)

D’abord, si tout va bien, je vais réaliser un clip en septembre pour retropico. (Ça, pour le coup, j’en parle dans le blog). Et ça va surprendre beaucoup de monde parce que je ne suis pas un grand fan de ballet et j’ai jamais fait de danse mais… j’ai des fantasmes de chorégraphies. Depuis toujours. J’ai toujours eu envie de tourner des scènes ou faire clips dans lesquels j’aurais pu inventer une chorégraphie avec une danseuse.

Du coup, ce clip, c’était l’occasion. Alors on a commencé a répéter avec la fille d’une amie qui est chanteuse et danseuse et qui jouera le rôle principal. On prend des petits gestes du quotidien (boire du thé, se rattraper dans le métro, croiser les jambes) et on les « enchaîne » pour créer une danse.

Or, on s’est aperçu de la chose suivante : à chaque geste, il était presque évident d’associer soit une inspiration, soit une expiration. Genre, c’est évident ; tout le monde serait d’accord. Et sur la dizaine de gestes qu’on a inventés (c’était juste un test, a « proof of concept » si vous voulez), il se trouve qu’environ la moitié étaient des inspirations et l’autre des expirations.

Au début, on essayait d’enchaîner les gestes un peu par hasard, ou par sens. Mais quand on a décidé d’alterner le souffle, c’est tout de suite devenu magique. Je me souviens de la première tentative : immédiatement, ça marchait, ça coulait, c’était plus facile à faire et plus agréable à voir. À un moment, on était bloqué et on s’est dit « c’est pas grave, il y aura deux expirations de suite »… Mais ça ne marchait pas du tout. Et quand on a trouvé l’inspiration à remettre entre les deux, c’est redevenu beau.

En parallèle, comme j’en déjà ai parlé, je suis en train de lire Osho.

Et justement, la première technique qu’il donne – la plus connue – est sur le souffle.

C’est un peu comme ça que j’avais commencé la méditation à l’époque – c’est comme ça que tout le monde commence : on se concentre sur le souffle et on remarque que des pensées viennent nous assaillir (dont on n’est pas responsable puisque, soi, on veut se concentrer sur le souffle). C’est la première fois qu’on remarque qu’on n’est pas maître de ses pensées et qu’elles nous arrivent, comme arrive la pluie.

Après, j’avais laissé tomber. Ou j’avais évolué. Je me concentrais sur l’ensemble des manifestation intérieures et extérieures : les sensations corporelles, les sons, les émotions, les angoisses, etc. Le souffle n’était qu’un parmi d’autre.

Mais en relisant Osho, je m’y suis remis. Et j’ai réalisé à quel point c’était difficile. À quel point avoir conscience uniquement du souffle demandait un effort de concentration hors d’atteinte. C’est parce qu’en réalité, c’est impossible. La seule chose qu’on peut faire, c’est accepter les autres manifestations pour revenir au souffle. Sinon, on crée les deux réalités parallèles dont j’ai parlé dans la tartine précédente.

Bref, on s’en fout. Mais j’en suis là.

(D’ailleurs ça me fait penser à cette chose intéressante que je n’avais jamais remarquée : Osho dit qu’arrêter la respiration arrête la pensée. Ça m’a bien faire rire. « Le tienne peut-être mais moi non ». Puis j’ai essayé et… Oui. En tous cas, moi, sans entraînement, j’ai découvert que c’était très difficile d’avoir une nouvelle pensée – ie : pas seulement réciter quelque chose – en apnée. Mais j’imagine qu’en apnée longue, c’est autre chose. Sûrement qu’on s’habitue.)

Ce qui nous amène à la troisième raison.

J’essaie de faire trente minutes de rameur tous les jours. J’en ai déjà brièvement parlé. Or, puisque j’étais là-dedans, je me suis dit, alors que j’étais en train de ramer : « est-ce que je pourrais me concentrer sur le souffle ? ». (J’avais oublié mes écouteurs, je m’emmerdais un peu.) J’ai essayé. Et la j’ai découvert que ma respiration faisait n’importe quoi. Je ne commençais jamais à inspirer au même moment, je soufflais souvent à peu près au même endroit mais c’était toujours chaotique. Et il y avait plein de moments où je bloquais carrément la respiration. Pas longtemps, mais quand même.

Alors je me suis posé la même question que pour la chorégraphie : y aurait-il un souffle naturel adapté au geste ? Et oui, très vite je l’ai trouvé. On souffle doucement en poussant sur les jambes, plus fort quand on tire sur les bras, puis on laisse l’air rentrer quand on revient. Et une fois que j’ai fait ça, tout est devenu beaucoup, beaucoup plus simple. Toutes les autres choses que j’essayais de mettre en place (tenir le dos droit, relâcher les bras sur le retour, ne pas trop pousser sur les talons, etc) est venu beaucoup plus naturellement.

Du coup, aujourd’hui, je me suis remis à observer ma respiration. À me demander s’il existe un souffle naturel pour ce que je suis en train de faire. Quand je marche. Quand je suis avec des gens. Quand j’écris. Et à plusieurs reprises, ça m’a débloqué. J’ai senti qu’une tension se défaisait immédiatement.

Je sais, je redécouvre l’Amérique. Toutes les techniques de relaxation sont basées sur le souffle. Mais à chaque fois, j’ai l’impression de redécouvrir l’Amérique avec mon propre bateau, vous comprenez la différence ? Je tombe sur des vérités universelles en menant mes propres expériences et j’ai l’impression que ça change tout.

PS: Un papi vient de poser sa canne sur la table. En chemin vers les toilettes, il a dit à mes voisins «Vous pouvez surveiller ma canne, hein ? Parce qu’on vit une telle époque ! ». Du coup, j’ai vraiment envie d’aller la prendre. Genre, je paye mon café, je me lève, et je la prends avec moi. Je suis pas sûr que les voisins feront quelque chose.

PS2 : Non, hein, je vais pas le faire.

PS3: OH PUTAIN JE L’AI FAIT ! L’un des voisins m’a couru après en rigolant puis quand il a vu que je ne m’arrêtais pas, on a failli en venir aux mains.

PS4: Mais non. Vous savez bien que je suis fade et que ma vie est chiante. Et puis maintenant le papi est revenu.

PS5: Quelle est la bonne respiration pour voler la canne d’un vieux ?