Café La Piscine, Paris, 11h

Je vous avais dit que ça durerait deux jours.

J'ai publié le premier post dans un élan de colère (j'exagère). J'ai écrit le deuxième dans le foulée – mais je ne l'ai pas publié tout de suite. Puis je suis parti à la montagne avec mon fils.

Ce matin, j'ai repris mon journal – je n'ai pas toujours le temps quand je suis en famille – et je me suis posé la question : est-ce que je publie ? Réponse : non. Rien de très personnel, ce n'est pas ça. C'est juste que, naturellement, sans y penser, j'ai commencé à taper sur Obsidian (là où je prends mes notes et écris mon journal). Puis naturellement, sans y penser, je me suis dit que je pourrais mettre quelques mots ici.

Pour entretenir le flot.

Que dire ? 

Je suis en train de lire Osho. Oui, le guru de "Wild Wild Country".

Parce que j'avais entendu plusieurs personnes que j'aime bien dire qu'il était beaucoup plus pertinent qu'on pensait, que ces écrits étaient vraiment clairs et forts. Donc j'ai commencé à lire Le Livre des Secrets (oui, titre New Age un peu pourri) et c'est vrai que c'est très, très fort. Très très clair.

Mais ça va être compliqué d'en parler ici.

Pour ceux qui n'ont pas suivi, depuis environ 5-6 ans, je suis devenu un beatnik. Je médite tous les matins, je m'intéresse à l'hindouisme, au Zen et à toutes ces conneries. Je lis beaucoup là-dessus. En vrai, à part un peu de fiction ici et là, je lis exclusivement là-dessus.

Et c'est dur d'en parler parce que si je plonge tout de suite dans ce qui m'intéresse en ce moment, sans vous expliquer un bout du chemin que j'ai fait pour en arrive là, ça va sembler très... abstrait. Très New Age. Très déconnecté de tout.

Mais aussi : j'ai vraiment autre chose à foutre que de vous expliquer tout depuis le début. Si vous voulez avoir une idée, vous pouvez lire mes posts taggés #zen par ordre chronologique mais même ça, ça ne vous renseignera que très partiellement. Et si j'attends que tout le monde soit à jour pour avancer, je n'écrirai jamais rien ici.

Donc fuck it. Vous comprendrez rien. Tans pis.

J'ai découvert deux idées très fortes dans le début du livre d'Osho.

D'abord, ça a conforté quelque chose que j'avais commencé à comprendre depuis plusieurs mois, à savoir qu'il n'y a qu'une seule réalité.

Ça paraît évident. Pourtant, si vous êtes honnête avec vous-même et avec ce qui se passe dans votre tête, vous savez bien que vous suivez plusieurs fils en même temps. Il y a "la réalité telle que j'aimerais qu'elle soit" (vos désirs, vos attachements), "la réalité telle que je la perçois" (votre interprétation très personnelle de ce qui passe) et, de temps en temps, la réalité telle qu'elle est (lorsque vous vous cognez le petit orteil, par exemple). Et on n'a de cesse de sauter d'un fil à l'autre.

Quand on est en colère par exemple, ou en proie à toute autre émotion qu'on ne veut pas, on entretient deux fils de réalité parallèles. D'un côté, on perçoit bien la colère. Elle est là. On le sait. De l'autre, on imagine cette réalité alternative où l'on ne serait pas en colère. Or, le fait d'entretenir mentalement une réalité parallèle à laquelle on se compare scinde l'esprit en deux. On n'est pas complètement ici. On n'est pas non plus dans le fantasme – puisque c'est un fantasme. Et on organise entre ces deux réalités un combat. On veut que le fantasme triomphe.

Comprendre qu'il n'y a qu'une réalité, c'est comprendre qu'il n'y a vraiment qu'un fil. Qu'on ne saute pas d'un mode à l'autre. Qu'il s'agit d'une seule réalité qui se transforme.

Donc pour transcender la colère, il faut l'embrasser. Puisque dans l'instant, c'est la seule chose qui existe.

La seule chance de transformer ce qui est, c'est en l'acceptant. En le prenant sincèrement en compte. En le vivant pleinement. En ne dépensant aucune énergie mentale sur une réalité alternative. Tout le temps passé dans le fantasme est perdu. Tout le temps passé à ne pas prendre en compte "ce qui est" ne fait qu'entretenir la confusion. Faire s'affronter deux idées ne fait que renforcer les deux participants : la colère devient plus présente ; le fantasme devient plus réel. Et à chaque nouveau round, les deux mondes se dissocient un peu plus.

Je dirais même que cette acceptation est pour moi l'essence de la méditation. (En ce moment en tous cas, parce que ça change tous les six mois.)

Comprenne qui pourra.

La deuxième chose est la continuation de la première :

La vérité se trouve dans le présent. Et uniquement dans le présent.

Or, la pensée construite ne sait pas vivre dans le présent.

Ça, c'est quelque chose que j'avais compris il y a plusieurs années. En observant ma pensée, je m'étais effectivement rendu compte que ce n'était rien d'autre qu'une machine a créer des problèmes. Et là, il faut être très clair : je ne suis pas en train de dire que c'est un effet pervers de la pensée. Je suis en train de dire que c'est la nature de la pensée. C'est sa raison d'existence. Elle ne sert à rien d'autre. L'objectif de la pensée construite est d'imaginer les problèmes potentiels qui pourraient survenir.

Attention : je ne dis pas que ce n'est pas utile ! C'est très utile. Et très intéressant.

Mais si vous ne savez pas l'éteindre, c'est une machine qui gâche la vie. Elle trouve des problèmes partout, tout le temps. Et on ne peut pas lui en vouloir : c'est à ça qu'elle sert. D'ailleurs, on ne peut pas l'éteindre. On peut simplement choisir de l'ignorer de temps en temps. Je la compare souvent à une télévision qui resterait allumée en permanence : ça ne devient un problème que lorsqu'on est convaincu qu'elle dit la vérité.

Mais donc, ce que j'ai compris en lisant Osho, c'est le lien avec le présent : la pensée construite ne sait pas vivre dans le présent.

Parce que si vous y réfléchissez, il faut toujours plusieurs éléments pour créer un problème.

Pour être envieux, pas exemple, il faut au moins trois éléments : un objet d'envie, le souvenir qu'on ne le possède pas, et la croyance qu'on sera mieux avec. Ces trois élément ne peuvent jamais coexister dans le présent – pas en même temps – puisqu'on ne peut tenir dans la conscience qu'un objet à la fois. Soit on admire l'objet mais on oublie (ie : on n'est pas conscient) qu'on ne le possède pas. Soit on se souvient qu'on ne le possède pas mais on oublie sa beauté. Soit on imagine le futur radieux où on le possèdera mais, à l'instant où l'on crée cette image, les véritables fondements de cette joie ne sont plus présents. Pour créer l'envie, il faut que ces trois éléments (au minimum) se succèdent à toute vitesse et à répétition. C'est ce mouvement qui crée l'envie.

Donc pour vivre, pour créer des désirs et des problèmes, la pensée construite a besoin des concepts de passé et de futur. Elle a besoin de créer un mouvement entre ce qui est, ce dont on se souvient et et ce qu'on espère. Un mouvement perpétuel entre le présent et le fantasme.

Au quotidien, j'essaie de me poser régulièrement la question : suis-je en train d'essayer de remplacer une "pensée A" par une "pensée B" ? C'est beaucoup plus pernicieux qu'on pense.

Parce que souvent, la "pensée B" n'a pas du tout l'air d'une pensée. Elle ressemble à une solution. Elle ressemble à la réalité. Elle ressemble à un objectif. Et il faut vraiment faire un effort de présence pour comprendre que non : ce n'est qu'une pensée de plus. Je le résume souvent comme ça à mes amis (j'en ai déjà parlé ici) :

La réalité est faite des pensées dont vous n'arrivez pas à vous débarrasser.

Maintenant que personne n'a rien compris, je vais m'arrêter là. Il faut que j'y aille.

Bisou.