Description

Philosophies orientales, sagesse, paix intérieure.

Le Paradoxe des Éléphants (et des dragons)

Vous connaissez sans doute ce tour (qui existait bien avant Inception) : quelqu'un vous lance le défi d'obéir à la prochaine injonction qu'il vous donne. Quand vous acceptez, il vous dit :

Ne pense pas à des éléphants !

Et bam ! Trop tard. Perdu.

Quelque soit votre volonté, vous avez imaginé un éléphant. Ou Dumbo. Ou tout autre pachyderme lié à votre culture personnelle.

En psychologie, cet exercice sert à démontrer qu'on ne choisit pas toujours ses pensées. Une idée peut être plantée dans votre cerveau par une tiers sans votre accord, comme sont plantées chaque jour des milliers de pensées par votre entourage, par les média, par le monde extérieur. Vous avez moins de contrôle sur votre mental que vous n'imaginez.

Mais depuis quelques années, j'apprends à développer une immunité.

Soyons clair : si vous me parlez d'éléphants, je vais penser à des éléphants, comme tout le monde. En revanche, si on faisait un concours et qu'il existait une machine pour mesurer ce genre de choses, vous verriez que je suis capable d'arrêter d'y penser beaucoup plus vite que vous.

Voilà mon super pouvoir : ne pas penser trop longtemps à des éléphants.

Ça peut paraître anodin (débile ?) mais cette capacité me permet de vivre plus heureux. D'avoir moins d'anxiété, des relations sociales plus faciles, d'être plus léger en général. Mais avant de vous expliquer pourquoi, laissez-moi vous montrer comment. Parce que c'est très simple.

Pour arrêter de penser à des éléphants, il suffit de :

  1. S'autoriser à penser à des éléphants,
  2. Accepter d'être interrompu,
  3. Ne pas célébrer.

Je m'explique.

La première étape est la plus simple mais la plus contrintuitive : si on essaie de s'empêcher de penser à des éléphants, on examine chaque pensée pour vérifier qu'elle n'en contient pas. Vous voyez le paradoxe : c'est le processus de vérification qui entretient l'idée. Même si vous étiez parvenu à passer à autre chose, la comparaison avec l'éléphant ramène l'idée d'éléphant.

L'objectif est donc d'accepter la prochaine idée sans jugement ni comparaison. Éléphant ? Très bien. Tigre ? Voiture ? Camembert ? Très bien aussi. Tout le monde est bienvenu. C'est ce que j'appelle "accepter d'être interrompu" :  en supprimant la douane anti-pachyderme et en recevant sans condition la pensée suivante, on rétablit le fil naturel des idées, le fameux "flot de conscience" qui, quand on ne le retient pas, ne s'attarde jamais trop longtemps au même endroit.

La troisième étape est la plus importante.

Ne pas célébrer, ça veut dire ne pas chercher à vérifier si on a gagné ou non. Et donc ne pas se réjouir d'une victoire éventuelle. Car le même paradoxe entrerait alors en jeu : pour entériner cette victoire, il faudrait nécessairement comparer la pensée actuelle avec la pensée interdite. Et patatras : revoilà l'éléphant.

C'est ça, l'essence profonde de "passer à autre chose" : ne plus entretenir le souvenir qu'on évite. Ne pas comparer le présent avec le passé qu'on ne veut plus. Accepter d'être ailleurs, entièrement.

Pourquoi cette aptitude rend heureux ? Parce que ce qui marche pour les éléphants marche pour l'anxiété, pour la jalousie, pour la colère. Par exemple, voici ma recette en trois étapes pour se débarrasser de l'angoisse :

  1. S'autoriser à être angoissé,
  2. Accepter d'être interrompu par une autre émotion,
  3. Ne pas vouloir célébrer la disparition de l'angoisse.

Là encore, la dernière étape est la plus difficile : on aimerait se réjouir de la mort du dragon. Crier qu'il y avait en ce lieu un monstre qu'on a vaincu. Sauf qu'il suffit de prononcer son nom pour qu'il revienne. Là ou cherche l'angoisse, on en trouve toujours un peu.

Après, tout dépend de ce qu'on souhaite pour soi dans la vie : Exister comme le Grand Tueur de Dragons ? Ou vivre dans un monde où ils n'existent plus ?

Car les deux sont possibles et le choix dépend entièrement de soi.

Pourquoi l'Ascèse Rend Heureux : Mon Expérience Stoïcienne

Je m'étais laissé un peu aller alors ce week-end, j'avais prévu de reprendre les choses en main.

Zéro sucre : fini les pâtisseries, les gâteaux et le chocolat noir. Zéro alcool : on ne passe pas au Pub – ou alors pour un Perrier. Deux vraies sessions de méditation par jour : c'est vrai qu'à Paris, entre mon fils et les rendez-vous, je fais souvent ça trop vite – on s'y remet.

Puisqu'on y est : plus de portable. Je ne suis plus sur Facebook et compagnie mais je passe des heures sur Reddit et Youtube. On désinstalle ! (Quitte à réinstaller plus tard...)

Et pourquoi s'arrêter là ? J'ai poussé le vice jusqu'à faire l'expérience suivante :

Pendant quarante-huit heures, quand j'avais envie de faire quelque chose qui n'était pas nécessaire... Et bien NON ! Je ne le faisais pas. Le but n'était pas de me priver ou de souffrir inutilement mais d'étudier ma réponse à la frustration, de voir comment mon cerveau réagit sous pression, d'observer les pensées et les émotions suscitées par la rupture de mes habitudes.

J'ai appelé ça mon expérience stoïcienne.

Récemment, je m'étais interrogé sur le rôle de l'effort, de l'inconfort et de la discipline. Notamment, en écoutant le podcast de Chris Williamson avec David Goggins sur comment dépasser ses limites, en relisant Marc Aurèle et ses potes stoïciens, en repensant à certains enseignements du Bouddha sur la nature de l'expérience, en réécoutant la présentation de Joseph Goldstein sur la fin des passions, mais aussi, simplement, en prenant exemple sur des personnalités que j'admire qui semblent gérer l'effort différemment.

Aussi : grâce au contre-exemple de proches que je vois sombrer sous le poids de leurs addictions.

La théorie est la suivante : puisque personne n'échappe à la souffrance et à l'inconfort, il faut apprendre à vivre avec. Mieux : en faire des alliés. On ne contrôle pas les circonstances extérieures, c'est vrai, mais on peut contrôler notre relation à ces circonstances. Là existent une marge de progression et un terrain d'expérimentation.

Premier constat du weekend : c'est dur. Mais bref.

L'instant où on se refuse le gâteau, le session youtube sur le canap' ou la p'tite bière de fin de journée, cet instant-là est extrêmement difficile à traverser. Tout, à l'intérieur de soi, hurle : "Mais pourquoi ?! On a toujours fait comme ça !".  Le poids des habitude pèse et le corps se rebelle : la sensation de faim se fait plus aiguë, ou la fatigue, ou l'envie de boire. Il faut faire un effort qui semble démesuré face à la taille réelle de l'obstacle.

Et une minute plus tard... plus rien.

L'inconfort et la difficulté ont disparu aussi vite qu'ils étaient venus. Pas de trace, pas de séquelle. On ne se sent ni mieux ni moins bien, comme si l'obstacle n'avait jamais existé.

Puis, à mesure qu'on laisse passer chaque nouvelle envie, ça devient de plus en plus facile – toute catégorie confondue. On finit par moins vouloir, être moins attaché à la satisfaction de son désir. Sans objectif à atteindre dans le futur, on devient plus disponible pour le présent : on reçoit ce qui est plutôt que sans cesse comparer avec ce qui devrait être.

Conséquence : on réalise que, tout le reste du temps, on agit sur la base de pulsions très éphémères qui n'ont aucune conséquence sur le bonheur à long terme. Pire : satisfaire une envie renforce le mécanisme du "je veux / j'obtiens" qui rend plus difficile de résister au prochain assaut. Lâcher prise se travaille comme un muscle.

Deuxième constat : on se trouve dans des situations inédites.

Quand je m'interdis de m'effondrer sur le canapé pour une nouvelle session youtube, pendant un moment, je me trouve un peu con. Qu'est-ce que je fais à la place ? Si je ne m'allonge pas, je reste debout ? Je m'assois ? Mais... où ? À mon bureau ? Sur cette chaise dans le coin qui ne sert jamais ? Mais... POUR QUOI FAIRE ?

Une habitude, c'est l'autorisation qu'on se donne de s'abandonner corps et âme à une activité familière qui ne pose aucune question. Dès qu'on rompt le traintrain, plus rien ne va de soi et les questions reviennent. Tout devient nouveau et mystérieux. Et si je jouais du xylophone ? Si je nettoyais les carreaux ? Rappelez-moi : qu'est-ce qu'on faisait pour se distraire avant les portables ?

Parce que soyons honnête : une session youtube, c'est une demi-heure minimum – et il y en a plusieurs dans la journée. La bière, c'est souvent deux bières, et ça implique un trajet, des potes et du blabla. Quand au sucre, c'est comme la bouffe en général : c'est tout un rituel qui nécessite de faire des courses, de cuisinier, de manger, de faire la vaisselle, etc. Souvent avec la radio ou la télé.

Donc c'est mathématique : quand on arrête tout ça, on a du temps en plus.

Des heures, littéralement.

C'est pourquoi ce weekend, sans vraiment m'en rendre compte, je me suis remis à dessiner, j'ai refait de la musique sur mon Pocket Operator, j'ai visité une maison de retraite et un cimetière, j'ai lu beaucoup plus que d'habitude, et mon journal est rempli de fulgurances sur le sens de la vie et la nature de l'existence.

Je recommande.

Ce Que Sahil Bloom Aurait Aimé Se Dire à 20 Ans

Ma traduction approximative d'un tweet de Sahil Bloom trouvé sur un coin d'internet. La traduction rend certains conseils un peu gnangnans mais je reste d’accord sur presque tout :

  1. Tenter sa chance est la meilleure chose qu'on puisse faire. Quitte à faire quelque chose, fais-le bien.
  2. Ton alimentation impacte tout – apparence, énergie, humeur. Mange mieux et tout s'améliore.
  3. Rien de bien n'arrive après minuit (surtout quand on a bu).
  4. Te mettre en bonne forme physique va changer ta vie.
  5. Si tu te concentres sur gagner beaucoup d'argent, tu t'en sortiras. Si tu te concentres sur créer beaucoup de valeur, tu crèveras le plafond.
  6. Trouve ton bonheur dans la lutte. Entraîne ton mental a gérer les tempêtes de la vie.
  7. Le temps passé à se comparer aux autres est mieux utilisé à investir en soi. La seule comparaison qui compte est par rapport à qui tu étais hier.
  8. Quand tu penses du bien de quelqu'un, dis-leur immédiatement. C'est une petite habitude qui paye des dividendes tout au long de la vie.
  9. Les réseaux sociaux sont faits pour te donner envie d'être quelqu'un d'autre, d'être ailleurs ou d'être en différente compagnie. Surveille ta consommation et élimine ce qui créé des émotions négatives.
  10. Passe en priorité du temps avec ceux qui te rendent meilleur, t'élèvent et t'aident à grandir.
  11. Appelle tes parents plus souvent – ils ne seront pas toujours là.
  12. Ton succès dans la vie est proportionnel au nombre de conversations difficiles que tu es prêt à avoir.
  13. La mentalité "on dormira quand on est mort" ne marche plus. Bien dormir est essentiel pour obtenir de bons résultats.
  14. Donne une seconde chance aux gens, mais jamais une troisième. S'ils t'empêchent d'avancer, coupe les ponts.
  15. La plupart de tes amis ne sont pas tes amis. Ils sont là quand c'est fun, pratique ou avantageux. Trouve tes vrais amis et chéris-les.
  16. Arrête d'essayer d'être intéressant ; sois intéressé. Tu deviens intéressant quand tu es passionné.
  17. Tu ne sauras jamais ce que tu veux être quand tu seras grand – et c'est très bien comme ça. Concentre-toi sur poser de bonnes questions en gardant un penchant pour l'action et tu t'en sortiras toujours.
  18. Arrête de suivre les chemins que d'autres ont créés pour toi. Crée ton propre chemin – même si c'est douloureux au début.
  19. Trouver la vérité est plus important que d'avoir raison. Arrête d'argumenter pour gagner – écoute pour apprendre.
  20. Les notes ne changent pas grand chose, mais l'énergie d'apprendre, oui.
  21. Arrête de t'inquiéter de ce que pensent les autres. La plupart ne pensent pas à toi du tout.
  22. Toutes les décisions ne sont pas réversibles, mais la plupart, oui.
  23. Pars dans quelques aventures folles et déjantées que tu seras heureux de raconter à tes enfants un jour.
  24. Prends des décisions que toi à 80 ans et toi à 10 ans approuvent. Le premier s'intéresse à l'accumulation des actions sur le long terme, l'autre veut que tu t'amuses sur le chemin.
  25. Choisis ta course. Sois sûr que le prix est quelque chose que tu veux vraiment. 

— Sahil Bloom 

(Non, je ne pas qui c’est ni ce qu’il fait. J’espère qu’il n’est pas trop con sinon tout ça tombe un peu à l’eau.)

Pourquoi Faire Vite ?

Je passe tellement de temps à écrire sur ordinateur (roman, scénario, journal, email, etc.) que j'ai récemment commencé à m'entraîner à taper au clavier. Chaque mot-par-minute gagné me sera repayé au centuple – voilà mon plan diabolique.

Au cours d'une de ces sessions dactylographiques, je me suis rendu compte du phénomène suivant : j'obtiens de bien meilleurs scores quand je n'essaie pas d'aller vite. 

Plus exactement : quand je me concentre uniquement sur la précision (faire zéro faute en allant aussi lentement que nécessaire), je deviens à la fois plus rapide (en nombre de mots par minute) et plus précis (en nombre d'erreurs par phrase). Autrement dit : je tape plus vite quand je pends mon temps. 

D'où ma question : dans combien de domaines suis-je inefficient (ou tout simplement mauvais) parce que j'essaye d'aller trop vite ?

D'ailleurs, pourquoi aller vite ?

Il semble qu'on n'y puisse rien : c'est un réflexe conditionné. Dès qu'on maîtrise les bases d'une activité, l'étape suivante est de vouloir augmenter la cadence. Trouver la technique, l'astuce, le gadget qui permettra d'aller plus vite pour améliorer le rendement. Ne surtout pas perdre son temps.

On voit ça partout. À l'école, les meilleurs élèves sont ceux qui brillent en temps limité. En sport, la médaille est attribuée au plus véloce. Au travail, le premier arrivé remporte le marché ou la promotion. C'est tellement entré dans les moeurs qu'on n'y pense même plus.

Mais récemment, j'organise la resistance.

En y réfléchissant un peu, on réalise qu'il existe de nombreuses activité où la vitesse n'est pas aussi nécessaire qu'on imagine. Grosso modo, à moins d'être urgentiste, pompier ou sprinter, on a pris l'habitude d'aller trop vite en tout.

Donc la prochaine fois que travaillerez, que vous marcherez ou que vous ferez le ménage, posez-vous cette question magique : "Pourrais-je faire cette activité beaucoup, beaucoup plus lentement ?".

Cette façon de voir les choses a transformé mon quotidien.

L'idée que je pourrais accomplir une tâche "à mon rythme" sans considération de vitesse ou d'efficacité me rend toute activité beaucoup plus sympathique. Je procrastine moins. Je suis moins anxieux dans le travail. Je considère sans appréhension des actions que je n'aurais jamais songé entreprendre auparavant. Et quand je remarque un stress latent, je peux souvent le relier à une pression de rendement sous-jacente.

Mais surtout, cette philosophie a un autre avantage auquel je ne m'attendais pas : ralentir m'a rendu beaucoup, beaucoup plus rapide en tout.

* Pour ceux que ça intéresse, ma routine pour taper au clavier : je commence par keybr où mon objectif est de faire un zéro faute avec majuscule et ponctuation activées. Une fois réussi, je passe à monkeytype où je dois avoir plus de 96% de précision (français 2K avec majuscules et guillemets). Enfin, 10fastfingers pour aller le plus vite possible toujours en restant au-dessus des 96%.

Trois Règles de Vie pour Changer le Monde

Changer le monde, peut-être pas. Mais déjà, vous arrêterez de me casser les pieds.

1. Plus de "bon appétit" à tout bout de champ

À table, avec votre famille, avec vos amis : éclatez-vous.

Même si le manuel de Nadine de Rothschild dit que ça ne se fait pas (quelle est la prochaine étape : "bonne graille ?" faisait remarquer un convive), ça fait partie de la culture française, de votre liberté d'expression et sinon, comment briser la glace avec tous ces gens auxquels on a rien à dire ?

En revanche, quand vous voyez, assis sur un banc public ou à une terrasse, quelqu'un que vous ne connaissez ni d'Ève ni d'Adam, que vous ne recroiserez jamais de votre vie, et qui est en train prendre la première bouchée de son sandwich en lisant le journal... Pourquoi l'emmerder ?

C'est vrai : c'est toujours agréable de connecter avec un autre être humain.

Mais à part l'obliger à avaler de travers pour répondre un "merci" sans conviction et disparaître à jamais de sa vie, qu'avez-vous accompli ? Qu'avez-vous tiré de cette interaction ? Pourquoi cet entrain dans la voix et ce petit sourire satisfait en repartant rue d'Amsterdam ? (Les intéressés se reconnaîtront.)

2. Plus de croissant inutile

Si vous êtes serveur et que je vous demande un café, inutile de me proposer "Et vous ne voulez pas un petit croissant avec ça ?".

Non. Je ne veux rien. Remballe ta camelote.

Si j'avais voulu quelque chose, j'aurais prononcé les mots correspondants. J'aurais articulé "avec un croissant" ou j'aurais demandé "une formule petit déjeuner". Je n'ai besoin d'aucune assistance dans l'appréciation de mes désirs ni la formulation de mes envies.

Alors je sais : c'est probablement votre patron qui l'exige. Mais laissez-moi partager un secret avec vous : rien ne vous oblige à suivre des ordres débiles quand votre patron ne se tient pas juste derrière vous. Et je refuse de croire qu'il se repasse les enregistrements de surveillance en lisant sur vos lèvres pour vérifier que vous suggérez les bonnes pâtisseries. (Si c'est le cas, foutez le camp.)

C'est quoi la prochaine étape ? Commander un verre d'eau pour entendre le serveur vous glisser à l'oreille "vous n'iriez pas faire un petit pipi avant ?". Au moins, je trouverais ça drôle.

3. Commencez maintenant

Terminons sur du positif.

Qu'il s'agisse de méditation, d'exercice physique ou de recherche d'un sens à votre vie, commencez maintenant. Mettez-vous y aujourd'hui. Tout de suite. Ne finissez même pas ce paragraphe. Allez-y.

Surtout, n'attendez pas "d'avoir fini tel projet" ou "d'être dans de meilleures dispositions". 

Il y a deux raisons de ne pas attendre :

  1. Sans équilibre, votre projet va sûrement dans la mauvaise direction et son accomplissement ne fera que vous enfoncer davantage. Quant aux meilleures dispositions, elles ne viendront que si vous faites ce qu'il faut. Commencez.
  2. Si vous repoussez ce qui améliore votre vie à plus tard, "quand vous aurez le temps", vos bonnes résolutions disparaîtront en même temps que votre temps libre. Or, c'est là que vous en avez le plus besoin.

Par exemple : je médite et j'écris mon journal chaque matin. Parfois, je saute un jour ou deux – ça arrive. Mais jamais – ô grand jamais ! – quand j'ai une journée importante ou chargée. Au contraire : c'est là que ça compte et que j'ai besoin de toute mon énergie mentale.

Les lendemains de cuite ou je mange du gras en regardant Netflix, c'est moins grave.

Éveil du Dimanche Soir

Rien posté du weekend et beaucoup de travail alors j'ai cherché parmi mes impros vidéos de l'année dernière une que je pourrais reposter vite fait bien fait. J'ai été heureusement surpris de voir que l'une des plus vues était aussi l'une des plus spontanées.

Encore un truc de beatnik :

Un jour, il faudra que je fasse un vrai bilan de cette année d'impro. Et que je change ma gueule sur la couverture de cette vidéo.

Sous Son Œil

Il y a certains regards extérieurs qu'on a intériorisés.

Celui d'un parent, d'un professeur, d'un ami, d'une idole. Quelqu'un qui a eu de l'importance pour nous à un moment – récemment ou dans notre enfance – et qui est devenu un filtre permanent dans notre façon de voir le monde. À tel point qu'on ne s'en rend plus compte.

À chaque nouvelle situation, on réagit pour cette personne.

On imagine ce qu'elle trouverait admirable, ridicule, bienvenu, inapproprié et on agit en conséquence. On ignore d'où elle nous observe mais elle nous observe, même (et surtout) quand on est seul. Alors on fait semblant d'apprécier, de détester, de s'amuser, d'être offensé. On agit contre son instinct pour obtenir l'approbation de quelqu'un qui n'est pas là.

On en vient à vouloir contrôler ses pensées. À justifier les fulgurances qui ne vont pas dans le bon sens. Celles qui ne lui plairaient pas.

Parfois, plusieurs regards se fondent en une masse indistincte qui n'a plus de nom. Une présence multiforme qui nous juge et qui finit par faire partie de nous. Car c'est ça, le danger : quand la genèse de ce regard disparaît et qu'il ne reste plus qu'un jugement permanent dont on ignore l'origine. On cherche à marquer des points dans un jeu sans adversaire qu'on ne peut pas gagner.

Le premier remède est de s'en rendre compte.

Reconnaître ces moments où le surmoi nie l'instinct, où le cœur dit une chose à laquelle le cerveau s'oppose par réflexe. Comme si l'élan lui-même était tabou. D'où vient cette appréciation ? Est-elle justifiée ? Fait-elle partie d'un motif récurrent ? Sent-on une présence derrière tout ça ?

Puis se souvenir que ces regards sont des constructions interieures qui n'ont plus aucun lien avec les personnes qui en étaient la source. Des jugements qu'on entretient entre soi et soi, sans ancrage dans la réalité, et dont on peut choisir de se débarrasser sans demander la permission.

Comment les Habitudes Contrôlent notre Vie

Nos habitudes sont une aubaine et une malédiction.

Une aubaines parce qu'elles permettent de ne pas réinventer la roue en permanence. On se laisse guider par le train-train : les mêmes actions, dans le même ordre, produisent les mêmes résultats. On ne peut pas tout remettre en question chaque matin.

Une malédiction parce qu'elles nous emprisonnent. Une fois mises en place – depuis des années, des décennies – elles sont extrêmement difficiles à transformer. On fait ce qu'on fait parce qu'on ne sait pas faire autrement.

Une habitude ne requiert pas d'énergie mentale. En suivant le même trajet, les mêmes automatismes, on met une partie de son quotidien en pilote automatique afin d'être disponible pour le reste. Mais quand on veut changer – arrêter de fumer, commencer le sport, ne plus se ronger les ongles – l'effort nécessaire consomme une énergie qu'on ne peut plus utiliser ailleurs. Tout le reste en devient d'autant plus difficile.

On est la somme de ses habitudes.

De nombreux traits qu'on pense faire partie intégrante de notre identité sont en réalité des habitudes qu'on pourrait changer. Ce que les psychologues appellent "le déclaratif" ("moi je suis ainsi, j'aime ceci, je déteste cela, je fais toujours telle ou telle chose, etc") est souvent une excuse pour justifier une façon de faire qu'on n'a pas l'énergie d'amender.

Et puis c'est rassurant, la fatalité. Il est plus facile de dire "je suis comme ça" que d'essayer de faire autrement.

Ce lien entre identité et habitude est décrit par James Clear dans Atomic Habits. Notre culture aujourd'hui, dit-il, est le résultat de nos habitudes de lecture des dix dernières années. Notre santé, le résultat de nos habitudes alimentaires et sportives des dix dernières années. Nos finances, de nos habitudes de travail et d'épargne des dix dernières années.

Et la personne qu'on sera dans dix ans, le résultat des habitudes qu'on met en place aujourd'hui.

Mais ce que je trouve passionnant – et qui a été une véritable source de progrès au cours des dernières années – c'est de reconnaître notre ignorance presque totale de leur genèse.

Le plus souvent, on ignore comment sont nées nos habitudes. Plus elles sont anciennes, moins on sait. Et puisqu'elles contrôlent une grande partie de notre vie, cela revient à dire que, bon an mal an, on ignore pourquoi on agit. Pire : quand on nous pose la question, on affabule, on invente des excuses mêlant "je suis comme ça" aves des histoires fumeuses sur le passé, les croyances, la société... Tout plutôt que d'admettre qu'on ne sait pas.

Pensez-y : pourquoi mangez-vous trois fois par jour ? D'où vient votre rapport au travail, à la réussite, à l'échec ? Comment sont nées vos  addictions ? Vos passions ? Pourquoi écoutez-vos cette musique, regardez-vous ces émissions, faites-vous confiance à tel groupe plutôt qu'à tel autre ?

D'où vient tout cela ? De vos parents ? De l'école ? De la télévision ? Du travail ?

Et surtout : si vous ne savez pas comment ni pourquoi ces habitudes se sont installées, comment savoir si elles sont vraiment bonnes pour vous ?

10 Résolutions moins débiles pour 2023

Moins des résolutions que des grands principes que j’explore depuis quelques années :

  1. Gagner en clarté 
    Sans clarté, chaque décision, petite comme grande, est tributaire de nos peurs irrationnelles, de nos angoisses inconscientes et finit par nous mener dans la mauvaise direction. La clarté est la première chose qu'on devrait rechercher. Avant le travail. Avant l'amour. Avant de se brosser les dents le matin. Mais voilà : pour se rendre compte de son importance, il faut déjà en avoir un peu. C'est le paradoxe. À moins de... 
     
  2. Vouloir progresser
    Ça paraît simple, presque enfantin, mais ça marche. Appelez-ça comme vous voulez : la foi, la grâce, la résilience. Si on cherche réellement à grandir, à gagner en sagesse, à devenir une meilleure personne, on trouve un chemin. Même si ce chemin n'est pas visible pour l'instant ou – plus difficile – si ce n'est pas celui qu'on avait prévu au départ. Mais il faut le vouloir vraiment. Genre : vraiment vraiment. Alors aucun paradoxe, aucune excuse, aucun obstacle ne tient. C'est la véritable foi.
     
  3. "Où ?" avant "Comment ?" 
    "Comment ?" est la question qui obsède tout le monde. "Comment faire ceci ? Comment arriver là ?" Au point qu'au final, on ne va pas là où on veut, mais là où on sait aller. On se laisse guider par les "comment ?" appris à l'école, au travail, à la télé au lieu de poser la seule question qui compte: "Où ?". "Où veut-on aller ? Et pourquoi ?". La mauvaise direction, même quand on y va très vite ou très efficacement, reste la mauvaise direction.
     
  4. La direction avant la position 
    Là où on se trouve n'est pas important. Au fond du trou, en haut de la montagne, au milieu de la pente : c'est provisoire. Ce qui compte, c'est la direction (le taux d'accroissement, diraient les ingénieurs) : est-on en train de monter ou de descendre ? En train de grandir ou de chuter ? En transformant sa pente intérieure de quelques degrés, on change à la fois la personne et la destination. Ce n'est pas forcément visible immédiatement mais, à terme, c’est ce qui fait la différence.
     
  5. La solution est toujours à l'intérieur 
    Les problèmes qu'on a sont une fonction de qui on est. Si un génie faisait disparaître tous nos problèmes cette nuit en claquant des doigts, on serait content une journée puis, en moins d'une semaine, on se refabriquerait les mêmes – ou des similaires. Donc inutile blâmer les circonstances extérieures : elles n'y sont pour rien. Chercher les causes intérieures qui sont la source. La fameuse pente interne qui nous pousse vers le haut ou vers le bas. 
     
  6. Les problèmes avant les solutions 
    En entreprise, nous dit-on, il ne faut jamais signaler à son patron un problème sans présenter en même temps une solution. Dans la vie, c'est une bêtise. Repérer les problèmes est la première étape vers une résolution. On appelle ça la clarté. Une fois l'obstacle repéré, des mécanismes se mettront en place pour le franchir. C'est le déni qui donne longue vie aux difficultés. 
     
  7. Apprendre à se connaître 
    Puisqu'on n'en reçoit pas à la naissance, il est urgent d'investir dans la rédaction de son propre mode d'emploi. S'observer. Pratiquer l'introspection. Comment naît la colère ? La jalousie ? La peur ? Quelles raisons profondes motivent nos actions ? Quelle peurs irrationnelles contrôlent nos pulsions ? Identifier les mécaniques intérieures permet de s'en libérer et donc, à terme, d'être davantage délibéré en chaque chose.
     
  8. Se méfier des pensées 
    Rien de ce qui est vraiment important n'est intellectuel. Réfléchir peut être ludique, social, productif mais les piliers d'une vie ne peuvent pas reposer sur un raisonnement logique. Notre cerveau invente les problèmes quand il n'en trouve pas. Par nature, la pensée n'est jamais en paix. Il faut laisser tourner cette machine sans trop s'en soucier et chercher l'équilibre ailleurs. En cela, la pensée est un peu comme la télévision : elle ne devient nocive que lorsqu'on croit qu’elle dit la vérité.
     
  9. Se méfier des chiffres 
    Les chiffres, pareil : ils ne sont jamais là où ils devraient être. Le cholestérol est trop haut, le salaire trop bas, la température trop faible, le taux d'intérêt trop fort. Par essence, les chiffres servent à quantifier ce qui manque ou ce qui est en trop et sont donc une source permanente d’insatisfaction et de déséquilibre. Mieux vaut se concentrer sur ce qui ne se mesure pas : la joie de voir quelqu'un, le plaisir d'une activité qu'on aime, la beauté du ciel.  
     
  10. Vivre dans le présent 
    C'est une expression galvaudée mais c'est aussi la clé du coffre. Seul le présent existe. Le passé, c'est la mémoire – souvent sélective et déformée. Le futur, c'est l'imagination – souvent filtrée par les angoisses du moment. Donc ne pas vivre dans le présent, c'est vivre dans sa tête. Être prisonnier de ses pensées, de ses opinions, de ses souvenirs. Pourquoi pas, après tout. Mais de temps en temps, il est toujours souhaitable faire un tour "ici et maintenant". Pour garder contact avec le monde, avec les autres et avec soi.

Bonne année 2023.

Huberman / Willink : La Motivation Ne Sert à Rien

Huberman est un neuroscientifique américain dont le podcast est devenu extrêmement célèbre aux États-Unis. Il donne des conseils de bien être et de productivité basés sur le fonctionnement du cerveau.

Je l’écoute de temps en temps, sur la route.

Aujourd’hui, il recevait Jocko Willink (jamais entendu parler) : un ancien officier des Navy Seals devenu auteur et consultant. Ils ont parlé motivation, discipline, comment atteindre son potentiel, dépasser ses limites, etc. 

C’était très intéressant. Quelques idées fortes que j’en ai tiré :

Ne pas se reposer sur la motivation. Jocko Willink, qui se lève tous les jours à quatre heures du matin pour faire de l’exercice (parfois cinq à six heures si on compte le jiu jitsu brésilien) explique que la motivation est une mauvaise base pour agir. Il dit à peu près (je résume et je paraphrase) :

La motivation, ça va, ça vient. Le bonheur, ça va, ça vient. Si on attend ça pour agir, on risque de ne rien faire.

Il continue : « Le matin, je ne réfléchis pas. Je ne pèse pas le pour et le contre. Je fais ce qui est prévu. La discipline est plus importante que l’envie. »

Évidemment, me direz-vous, c'est un militaire.

Mais ça fait aussi écho à ce que dit Rob Burbea (pas du tout un militaire) sur l’impermanence dans Seing That Frees que je lis en ce moment. Si vous observez vos sensations à chaque instant, dit-il, vous réalisez qu’elles se transforment sans arrêt indépendamment des circonstances. On passe de la joie à la tristesse, de la confiance à l’angoisse, sans que personne – ni soi, ni les autres, ni la situation – n'en soit nécessairement responsable. C’est la nature des choses. (Même s'il est toujours plus facile d'accuser le monde extérieur.)

Jocko Willink prend l’exemple de la marche chargée (sac à dos plein) dans le désert. Les 20 premières minutes – quelque soit l’entraînement, l’habitude, la forme physique – sont toujours difficiles. On passe un mauvais moment. Mais après un certain seuil, ça devient mécanique et on peut continuer des heures. D’où l’importance de ne pas se reposer uniquement sur la perception immédiate.

L’énergie est la source de l’action. Mais pas l’énergie calorique, précise Huberman. Il parle de l'énergie mentale liée à l’équilibre des différentes hormones et neurotransmetteurs dans le système. Or cet équilibre dépend avant tout de l'activité – sommeil, exercice, rythme, etc – que de ce qu'on ingère (calories). Ce qui implique le paradoxe suivant :

Faire de l’exercice, même intense, donne de l’énergie.

Cette idée qu’on dépense durant l’exercice l’énergie qu’on accumule quand on mange est trompeuse. Elle est vraie au niveau calorique, mais la fatigue, l’inattention et la difficulté à se concentrer sont rarement dues à un manque d’énergie calorique. (« Faites au moins un bon repas toutes les 24 heures et ça ira » dit Huberman). Elles sont dues à un manque d’énergie mentale qui, elle, peut au contraire bénéficier d’être à jeun, de faire de l’exercice intense, d’avoir des horaires de sommeil et de repos réguliers, etc.

J’étais tellement convaincu par leur argumentaire qu’en rentrant chez moi, j’ai ressorti mon vélo, gonflé les pneus, et je suis parti en balade. Puis je l’ai remis à la cave parce que faut pas exagérer.