Il est certains regards qu'on a intériorisés.

Celui d'un parent, d'un professeur, d'un ami, d'une idole. Quelqu'un qui a eu de l'importance à un moment et qui est devenu un filtre invisible et permanent dans notre façon de voir le monde.

Sans s'en rendre compte, on réagit pour cette personne.

On imagine inconsciemment ce qu'elle trouverait admirable, ridicule, bienvenu, inapproprié. On fait semblant d'apprécier, de détester, de s'amuser, d'être offensé. On agit contre son instinct pour obtenir l'approbation de quelqu'un qui n'est pas là.

On en vient à vouloir contrôler ses pensées. À justifier les fulgurances qui ne vont pas dans le bon sens. Celles qui ne plairaient pas.

Parfois, plusieurs regards se fondent en une masse indistincte qui n'a plus de nom. Une présence multiforme qui juge et qui devient une partie de nous. Voilà le danger : quand la genèse du regard disparaît et qu'il ne reste plus qu'un jugement permanent dont on ignore l'origine. On cherche à marquer des points dans un jeu sans adversaire qu'on ne peut pas gagner.

Le premier remède est de s'en rendre compte. Reconnaître ces moments où le surmoi nie l'instinct, où le cœur dit une chose à laquelle le cerveau s'oppose par réflexe. Comme si l'élan lui-même était tabou. D'où vient ce jugement ? Y a-t-il une présence derrière tout ça ?

Ensuite, se souvenir que ces regards sont des constructions intérieures qui n'ont plus aucun lien avec les personnes qui en étaient la cause. Des jugements qu'on entretient entre soi et soi, sans ancrage dans la réalité, et dont on peut choisir de se débarrasser sans demander la permission.

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L'oeil dans ma tête