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Films, pièces, expos

Sophie Le Cam : C’est Bon, Mangez-En.

Avant, je faisais la blague que seule ma mère listait ce blog.

Récemment, j’ai eu la preuve que même pas.

Donc quand je fais la promotion d’une artiste ici, c’est pas comme si ça servait à grand chose et que j’allais rameuter les foules. Mais bon : c’est une sorte de journal. Je note ce qui me plaît.

Et le concert de Sophie Le Cam – comme son concert précédent – m’a beaucoup, beaucoup plu.

J’adore cette nouvelle période de ma vie où je vais voir les spectacles des gens que je connais et je trouve ça formidable. C’était drôle, doux, rythmé, sincère, avec un décalage qui ajoute une personnalité sans phagocyter l’émotion. Et quelques tubes.

Les clips sont très bien aussi – mais si vous avez le choix allez voir le live.

Et son site est ici.

Ceci N'Est Pas de l'Eau (Et Pas de l'Art)

Aux Franciscaines pour travailler. Je vois qu'il y a une installation immersive qui commence dans 5 minutes. Comme j'ai une copine qui est là-dedans et qu'elle n'a encore jamais réussi à me convaincre que ça avait le moindre intérêt, je pose mon sac à la consigne et j'y vais. On verra bien.

L'installation s'appelle Dernière Minute mais aurait aussi bien pu s'appeler "Générateur de Particules", parce que ce n'est que ça. Pendant une demi-heure.

On commence par trente secondes de voix off où une femme raconte qu'elle a dû disperser les cendres de son père dans la mer – sûrement pour faire croire aux commissions et à Arte qu'il y a du fond là-dedans. Puis on n'en entend plus jamais reparler.

Au début, c'est joli. La première minute. (Ça aurait dû être ça, le titre !) Des particules sur le sol et les murs qui ressemblent à de l'eau ou à de la fumée. Puis... ça reste la même chose. Pendant 29 minutes. Des points qui bougent. Puis des traits. Puis des points et des traits. Puis encore de l'eau... alors que la mer (la VRAIE !) est littéralement à cent mètres.

(On s'imagine le futur dystopique où on trimballera les enfants dans ce genre d'installation pour qu'ils aient une idée de ce que ça fait de "marcher dans l'eau". Je vous assure que ça n'a rien à voir.)

Au bout de dix minutes, des flashes très désagréables. Tout le monde ferme les yeux. On regarde les murs. Pour quoi faire ? ("Mais si ! C'est la douleur du deuil ! La rupture de... bla bla bla !")

Alors oui : à regarder en photo, c'est joli. C'est pour ça que j'y suis allé. Mais quand on y est, c'est creux. Artificiel. Ça ne raconte rien. On a l'impression qu'ils ont imaginé toutes les combinaisons géométriques possibles pour que ça puisse durer une demi-heure. Pour l'illustration d'un concert ou d'un spectacle vivant : oui, pourquoi pas. Mais seul...

L'ouvreuse nous a encouragé au début à "bouger, interagir". On se rend vite compte que c'est assez gadget et vers la fin, presque tout le monde s'était assis.

Dernière minute - fin
Vous allez avoir les fesses mouillées !

Seule chose que j'y ai gagné ? Dix euros.

Ah non, je les ai perdus aussi.

Quelle merde.

Je Ne Sais Pas Quoi Lire... Ah si ! (Monstres Bibliques, Capitalisme et Fin de Vie)

J'ai décidé de ne pas renouveler mon abonnement au New York Times et au New Yorker pour voir ce que ça fait. Ne pas m'engoncer dans mes habitudes de lectures et découvrir de nouvelles pistes.

Donc récemment, je me suis trouvé un peu con à certains moments clé où j'ai l'habitude de sortir mon portable. (Pause déjeuner : check. Pause prolongée aux toilettes : check. Avant de me coucher : check.)  Un peu comme quand j'avais arrêté Facebook & Co : comment je faisais avant ? Qu'est-ce que je lisais avant que mon téléphone portable ne consume ma vie toute entière ?

J'ai réfléchi à m'abonner à des newsletters gratuites. Mais encore rien trouvé de concluant.

Et puis par hasard, je suis tombé sur une mine.

Alors désolé : c'est en anglais. Je fais toujours un effort pour ne parler ici que de choses accessibles dans les deux langues ou dont il existe (ou dont je peux faire) une traduction. Mais là, que dalle. 

Je suis tombé par hasard (via ce podcast de Lex Fridman) sur cet article incroyable : Méditations sur Moloch.

Moloch, c'est un monstre biblique qu'Allen Ginsberg a utilisé dans un fameux poème (en anglais ici, en français , ça commence dans la deuxième partie) pour décrire ce qui ne va pas dans le monde. Beaucoup pense qu'il décrit le capitalisme, mais justement : dans méditations sur Moloch, l'auteur décortique le poème et montre que s'y cache quelque chose de beaucoup plus sombre.

Moloch, c'est la course vers le bas à laquelle chacun est obligé de participer même quand on sait qu'elle est mauvaise pour tous. C'est la nécessité d'abandonner des valeurs profondément humaines pour gagner des avantages compétitifs qui nous laisseront à la traîne si on ne fait pas comme les autres. C'est cette force qui pousse vers la survie ("l'état de subsistance", dit-il) plutôt que vers la vie et qui, une fois cette période transitoire d'abondance passée, nous réduira tous en esclavage.

Et dans ce très long article extrêmement bien écrit, bourré d'exemples et de références, il dévoile une vision absolument Lovecraftienne du monde dans laquelle les humains sont à la merci de monstres ancestraux qui s'affrontent les uns les autres. Et l'un d'eux, celui qui est probablement en train de gagner : Moloch.

Ça m'a fait réfléchir sur la nature humaine, sur notre époque et sur ce qui nous attend, notamment en terme de contraction énergétique à l'heure de l'avènement de l'Intelligence Artificielle – l'un des monstres qui pourrait travailler pour nous ou contre nous.

L'article m'a tellement saisi que je suis allé voir un peu autour. L'auteur se fait appeler Scott Alexander, il est psychiatre de son état et... il a écrit des tartines et des tartines. Genre des centaines de posts. J'en ai lu trois ou quatre au hasard et j'ai été subjugué par le détail, l'intelligence, l'originalité.

Par exemple, si vous avez le coeur bien accroché et que vous voulez réellement prendre conscience de votre condition de simple mortel – et, je répète, si vous parlez anglais – vous pouvez lire Who by very slow decay qui parle de comment les médecins affrontent la fin de vie – qui ressemble un peu à How doctors die dont j'avais parlé il y a longtemps et qu'il mentionne. (Coïncidence qui m'a fait cliquer sur l'article : "Who by very slow decay" est une phrase de la chanson de Leonard Cohen "Who by Fire" que j'ai découverte la semaine dernière.)

Encore mieux : quand on va sur son blog, il a une liste longue comme le bras de liens vers d'autres auteurs qui tiennent des blogs tout aussi fournis : économie, science, rationalité, etc... Que des sujets de geeks qui m'intéressent. Et sa marotte à lui, le fil qui lie ses articles, c'est l'altruisme efficace (effective altruism) qu'il explique extrêmemement bien.

Moralité : faisons le vide pour découvrir du neuf.

 

Who Not How

Je garde le titre anglais car la traduction française – comme souvent pour les livres de développement personnel – semble avoir été écrite par le charlatan ambulant qui vend des potions au mercure dans La Petite Maison dans la Prairie. Ne faites pas semblant : vous voyez très bien de qui je veux parler. Ou alors par le méchant de "Peter et Eliot le Dragon" qui veut découper Eliot pour en faire du sirop contre la toux.

Bref : Who not How est un livre que j'avais besoin de lire.

Parce que, voyez-vous, depuis que je fais des films, j'ai pris l'habitude d'en faire trop dans trop de domaines. Ce qui a des avantages : ça m'a donné une vraie connaissance de beaucoup d'aspects de la fabrication d'un film, aussi bien au niveau technique, humain, qu'administratif. On ne me la fait pas.

Mais ça a aussi une ribambelle de désavantages qui finissent, lorsqu'on fait le calcul, par être bien plus handicapants sur le long terme :

  • Je perds du temps à réinventer la roue dans chaque domaine,
  • Je deviens médiocre à plein de tâches que les spécialistes font infiniment mieux que moi,
  • Pendant ce temps, je ne me concentre par sur le ou les talents où je pourrais réellement faire une différence.

D'où cette idée développée par Dan Sullivan :

Face à un problème ou un défi, ne plus se demander "comment faire ?" mais tout de suite commencer par "qui peut m'aider ? À qui déléguer cette tâche ?".

Ce qui est un art, également.

D'abord, il faut clairement définir la mission : que cherche-t-on à accomplir ? Quelle direction suivre ? Comment savoir quand la tâche est terminée ?

Ensuite, il faut trouver la bonne personne et lui transmettre la vision juste : expliquer pourquoi c'est important, montrer l'impact que ça va avoir, les possibilités qui vont s'ouvrir dans le futur.

Enfin – et c'est souvent le plus dur – il faut faire confiance. Ne pas micro-manager. Laisser la personne qu'on a choisie faire ce qu'elle sait faire de la façon qu'elle connaît. Car si c'est la bonne personne, elle le fait mieux que vous de toute façon.

Bien sûr, ça pose des questions sur l'exploitation, la subordination, la responsabilité. Pour que ça ait du sens, il faut que la relation soit réciproque : la personne que vous trouvez est votre "qui" et vous devez être le sien. Vous cherchiez son type de profil, elle cherchait votre type de mission.

Par exemple : j'écris depuis l'enfance. Romans, pièces, scénarios. Avec la pratique, j'ai atteint une certaine maîtrise. Or, je rencontre régulièrement des professionnels – chefs opérateurs, comédiens, décorateurs, etc – qui n'ont aucun goût pour l'écriture et qui sont ravis de mettre leur talent au service de projets écrits et produits par d'autres. L'intérêt pour tout le monde est donc que, plutôt que d'apprendre à (mal) me servir d'une caméra, je me concentre sur ce que je sais faire et que j'aille chercher les bonnes personnes pour le reste.

Ça paraît évident. Pourtant, le premier réflexe est souvent de vouloir faire tout soi-même. Par égo, par désir de contrôle, par habitude. Parce qu'il n'est pas évident d'aller vers les autres.

Depuis quelque temps, notamment au sein de ma structure de production, j'essaie d'installer ce nouveau réflexe. Je ne fais plus : je délègue. Et souvent, ça marche. Le résultat est bien meilleur, le process beaucoup plus agréable et moins solitaire, et l'effet réseau ouvre de nouvelles portes. Quand ça ne marche pas, c'est souvent que j'ai mal défini les enjeux. Ou simplement que la mission elle-même n'en valait pas la peine.

C'est comme ça que j'ai trouvé sur Discord une armée de jeunes du monde entier pour réaliser les décors 3D de ma websérie Panique dans l'Espace. Ça n'a pas fonctionné avec tout le monde mais j'ai trouve deux perles, au Brésil et en Inde, avec lesquelles je vais continuer de collaborer.

Détail qui a son importance : Dan Sullivan, la personne à la source du principe de "Who not How" n'a pas écrit le livre lui-même. Il a délégué l'écriture à Benjamin Hardy, auteur de plusieurs livres de développement personnel. C'est devenu un bestseller.

J'aurais Voulu Être Jeff Bezos

Aller voir les pièces des mes potes comédiens quand j'étais en école d'acteur m'a dégoutté du théâtre fauché, voire du théâtre tout court. Maintenant, soit je vais à la Comédie Française voir des classiques, soit tant pis : je regarde Netflix.

C'est donc plus pour passer une soirée entre potes que j'ai suivi le mouvement pour aller voir J'aurais voulu être Jeff Bezos d'Arthur Viadieu au Théâtre de Belleville, avec mon pote Bob Levasseur. Je ne m'attendais pas à grande chose. Et ça dure une heure trente.

C'est devenue ma pièce préférée du monde entier.

Tout : le sujet, l'écriture, la mise en scène, le jeu de tous les comédiens. Je ne voulais plus que ça s'arrête. j'ai ri, j'ai été touché, j'ai appris. Ça redonne confiance en la création. Bravo les ami·e·s.

Alors ne les manquez pas tant qu'ils sont à Belleville.

UPDATE : vous les avez ratés ? Ils reviennent en octobre 2023 à Belleville !

Confession – Czeslaw Milosz

Comme souvent, j'ai acheté ce livre par hasard parce que je l'ai ouvert au milieu et qu'une phrase m'a plu. En l'occurence (de mémoire) : "Tu n'aurais pas envié le ténor au manteau en poil de chameau si tu avais deviné sa peur et su comment il allait mourir." Puis j'ai laissé passer quinze ans. Il y a deux jours, je suis retombé dessus et j'ai lu le premier poème qui m'a enchanté :

Seigneur Dieu, j'ai aimé la confiture de fraise
Et la sombre douceur du corps féminin.
Comme aussi la vodka glacée, les harengs à l'huile,
Les parfums : la canelle et les clous de girofle.
Quel prophète puis-je donc faire ? Pourquoi l'esprit
Aurait à visiter quelqu'un de pareil ? Tant d'autres
À bon droit furent élus, dignes de confiance.
Mais moi, qui me croirait ? Car ils ont vu
Comme je me jette sur la nourriture, vide les verres,
Et regarde avidement le cou de la serveuse.
En défaut et conscient de l'être. Désireux de grandeur,
Sachant la reconnaître où qu'elle soit,
Et pourtant d'une vue pas tout à fait claire,
Je savais ce qui reste pour les moindres comme moi :
Le festin des brefs espoirs, l'assemblée des fiers,
Le tournoi des bossus : la littérature.

-- Czeslaw Milosz, Confession, 1986

Rien d'Autre à Dire (Pas Gai mais Beau)

Bien sûr, vous connaissez ce titre depuis belle lurette. Parce que vous êtes cools, vous.

Mais saviez-vous que Dan Klein, le chanteur de The Frightnrs, est mort de la maladie de Charcot ? Je trouve que ça fait quelque chose d'écouter une chanson en sachant que :

  1. Le chanteur est décédé avant la sortie de son premier l'album,
  2. Il savait qu'il allait mourir au moment d'enregistrer le morceau,
  3. On va tous mourir.

Alors oui : c'est du reggae. Mais du reggae new yorkais, me dit-on.

Et quand vous entendrez s'élever les premiers notes de son chant sinueux et mélancolique*, je pense que, comme moi, vous serez conquis :

Till Then, par The Frightnrs

* I never chose to love so sweet a rose, I suppose I was just made that way. (Je n'ai jamais choisi d'aimer une rose si délicate, je suppose que j'ai simplement été fait comme ça.)

Objets Trouvés et Radiations : Kramatorsk

Donc je résume :

En 1980, un immeuble est fini d'être construit à Kramatorsk, Ukraine. L'année suivante, une jeune femme de 18 ans vivant dans l'appartement 85 meurt soudainement. Deux ans plus tard, c'est son frère de 16 ans qui décède. Puis la mère. Malgré ces décès en série – tous de leucémie – les habitant ne sont pas plus inquiets que ça. Les docteurs pensent qu'il s'agit "d'une mauvaise hérédité".

Une nouvelle famille emménage. Cette fois, c'est le fils qui meurt d'une leucémie foudroyante. Le père décide de mener son enquête.

Résultat de l'enquête (tenez-vous bien) :

En 1970, une capsule de cesium extrêmement radioactive faisant partie d'un compteur de rayonnement est égarée dans la carrière de Karansky. Les recherches infructueuses sont abandonnés après une semaine. Les pierres extraites de la carrière sont utilisées pour la construction du bâtiment 7 rue Mariyi Pryimachenk. La capsule radioactive se retrouve dans le mur séparant l'appartement 85 et 52, juste à côté du lit des enfants.

Quatre morts, dix-sept irradiés.

Pourquoi je parle de ça ? Parce qu'une capsule radioactive vient d'être perdue sur une route quelque part en Australie. Si vous passez par là...

Le Meilleur Épisode de ma Série Préférée

Pour sortir un peu de Six pieds sous terre, The Wire, Mad Men ou The West Wing, il y a une série que j'avais découverte par hasard et qui m'avait épaté. Je l'ai regardée à nouveau cette semaine et elle m'a à nouveau transporté. Mais surtout, l'épisode 8 – ce que les scénaristes appellent le "turning point", où le(s) protagoniste(s) décide(nt) d'affronter leur destin – m'avait fait un effet boeuf. Ça n'a pas re-loupé.

La série est Halt and Catch Fire et l'épisode en question s'appelle "The 214's".

C'est agréable de voir une série pensée de A à Z. On n'a pas l'impression que les auteurs se piègent eux-même et doivent sans cesse justifier des bêtises inventées précédemment. Les personnages sont tenus. Ça va quelque part. Ça raconte quelque chose.

Dans ce huitième épisode, après les revers dramatiques qu'on attend avant le climax, les trois personnages principaux prennent la décision de sauter le pas et se jeter dans le vide. Sauf qu'ici, ce n'est pas l'exercice d'écriture mille fois vu. J'y ai cru. J'étais avec eux. Tout ce qui s'était produit précédemment a soudain pris sens et m'a donné envie de prendre la route avec eux pour aller au Comdex.

Et le générique, pour les amateurs, était quelque chose.

Impossible de trouver les saisons suivantes en VO. Et j'ai peut-être un peu peur d'être déçu. Mais si vous avez des pistes...