Je profite d'avoir arrêté au milieu du premier épisode de Mercredi (j'ai essayé d'aller au bout, je promets, j'ai même arrêté puis repris) pour vous raconter ce que j'avais vraiment aimé dans le film de Barry Sonnenfeld La Famille Addams.

D'abord, oui : c'est un type d'histoire difficile à naviguer. C'est piégeux, pour un scénariste. Quand on suit une famille où tout est à l'envers, ou le mal est bien, où le haut est bas, et où toutes les valeurs sont inversées, le spectateur peut avoir un problème d'identification avec les personnages. S'ils aiment tant la tristesse et l'échec, quelle est leur motivation pour surmonter les obstacles que le film met sur leur chemin ?

La version de Sonnenfeld avait trouvé un bon équilibre. Mais pas seulement : il avait réussi à complètement renverser la vapeur. 

Sans rien perdre de l'esprit de la série, le film avait brillamment dépeint ce que de nombreux psychologues, sociologues et maîtres zen décriraient comme la famille parfaite. 

Si, je vous promets. Si vous ne me croyez pas, je vous encourage à revoir le film sous cet angle. Je ne pourrais pas faire la liste de toutes leurs vertus mais en voici quelques unes en pagaille :

C'est une famille unie où plusieurs générations vivent sous un même toit ; les parents sont amoureux et professent sans cesse leur attachement en public ; ils sont cultivés, vivent au milieu des livres et parlent plusieurs langues ; ils suivent leur passion sans juger les autres et sans se soucier de ce qu'on pense d'eux ; ils discutent ouvertement de la mort et cultivent un rapport avec leur ancêtres dont ils tirent une partie de leur identité ; ils aiment rire, faire la fête et dansent extrêmement bien ; l'éducation des enfants est construite autour du jeu, du dialogue et de la confiance ; malgré leur richesse, leur culture n'est jamais basée sur l'argent ni la possession ; malgré tout ce qui les sépare des autres, ils n'ont jamais peur des étrangers et sont extrêmement inclusifs, y compris avec ceux qui ne leur ressemblent pas et les jugent sévèrement.

Et lorsque le ciel leur tombe sur la tête, ils se serrent les coudes avec dignité.

C'était ça, la force et l'ironie du film : le véritable modèle, c'était la famille Addams. Pas la Famille Parfaite qui  juge le reste du monde en chemin vers l'église. (Mais dont certains membres trouvent une rédemption grâce aux Addams, justement.)

Je ne m'attendais pas à la même chose dans la version Netflix, bien sûr. Mais ils se sont pris les pieds dans le tapis, ai-je trouvé. Ils ont pris l'anecdotique du film pour en faire le coeur de la série. Et n'ont pas su naviguer l'inversion des polarités.

Bien sûr, tout le monde me dira que tout le sel se trouve dans la fin du premier épisode que je n'ai pas vue. Ou dans les épisodes suivants que je ne regarderai pas. Mais rassurez-vous : j'ai vu la danse de Mercredi sur internet. Je n'ai donc pas tout manqué.

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Famille Addams en rose par Midjourney