Trouville, maison, 22h14

« Panique dans l’Espace », la websérie que j’ai tournée il y a – oh là là – trois ans et que je suis toujours en train de post-produire (je viens de sortir l’épisode 6), est sûrement ma première œuvre de beatnik. 

Par là je veux dire que c’est la première oeuvre que j’ai créée une fois que tout mon trip « je médite tous les jours et je deviens un putain de hippie » avait réellement commencé à me transformer. Ça faisait environ trois ans que je méditais.

Je me souviens, à l’époque, je commençais à accepter de ne rien faire. Je commençais à accepter de rester désoeuvré pendant de longues périodes. Bien sûr, je ressentais de la culpabilité – et ça m’arrive toujours – mais je sentais aussi que les actions qui allaient s’enclencher si j’écoutais ma culpabilité n’étaient pas les bonnes. Que ça allait rassurer temporairement (ouf, je fais quelque chose, on ne peut plus m’accuser d’être un tire-au-flanc) mais que finalement, je n’arrêtais pas de « faire des choses » depuis des années et je n’étais pas sûr que ça m’amenait là où je voulais.

C’est la première fois où, pendant un temps, j’ai décidé de tout arrêter. C’est pas vrai : je l’avais déjà fait pendant le confinement – grosse grosse période de méditation pour moi – mais à l’époque, tout le monde était à l’arrêt donc c’était facile. S’arrêter quand tout le monde est en mouvement, c’est ça qui est dur.

Et très vite, j’ai réalisé que quand on arrêtait d’agir par culpabilité, par habitude, par peur d’être jugé, après un moment, venait autre chose. Des choses qu’on a vraiment envie de faire. Avec lesquelles on est réellement alignées. Un peu comme des petits animaux qui ne viennent manger dans votre main que lorsque vous êtes parfaitement immobile. Le moindre geste déplacé ou trop brusque et hop ! Tout le monde s’en va.

Et donc Panique (c’est comme ça que j’appelle la série quand je suis tout seul) est la première chose que j’ai écrite… librement, disons. Les personnages et les blagues me venaient naturellement quand je parvenais à rester oisif assez longtemps. (Et à l’époque, bien sûr, je n’avais pas prévu que ça deviendrait quoique ce soit.)

L’alignement a continué. Je l’ai écrit en quelques semaines. Le tournage s’est très bien passé, avec des gens formidables. On était très peu donc il fallait tout faire : répéter, tourner, faire à manger, aller chercher les comédiens à la gare. Pourtant, rarement je me suis senti autant à ma place.

« C’est ça que je veux faire » me suis-je dit à plusieurs reprises.

Les retours sur les premiers épisodes ont été… pas mauvais. Mais pas exceptionnels non plus. Les gens trouvaient ça pas mal mais peut-être un peu long. J’étais un peu déçu. Mais… Pas tant que ça, finalement. Beaucoup moins que j’aurais pu l’être par le passé, pour d’autres projets.

Puis les retours se sont améliorés. À mesure que les gens voyaient les nouveaux épisodes, qu’ils comprenaient où ça allait, ils commençaient à apprécier davantage. Et surtout, les gens adorent des épisodes différents. Je pensais que certains feraient l’unanimité mais à chaque fois je trouve quelqu’un pour préférer tel ou tel épisode pour telle ou telle raison que je n’imaginais pas. Et dans ce cas-là, les gens semblent vraiment touchés, comme si ça parlait d’eux. Ce qui me plait, bien sûr.

Depuis, j’ai perfectionné l’art de l’oisiveté. J’y ai beaucoup réfléchi, j’ai beaucoup lu sur le sujet et j’en ai fait le centre de ma vie. Ne vous méprenez pas : je suis plus occupé qu’avant. Je me lève plus tôt, je fais du sport tous les jours, j’ai fini un roman, un cours sur la parole en public, un scénario de long, des films… Vu de l’extérieur, je fais beaucoup plus de choses. Mais vu de l’intérieur, il s’agit d’une série de « gestes » qui s’enchaînent naturellement et dont aucun ne semble jamais obligatoire. Tout est simple. Tout avance.

Et tout vient de ce même élan où, un matin, j’ai dit « j’arrête tout ».