Maison Trouville, 23h01

Rien à dire de particulier mais ce n'est pas un flot si je n'écris pas de temps en temps.

Cela dit j'ai beaucoup écrit dans mon journal au cours des trois derniers jours. Ça réfléchit dur, sur plein de trucs.

Aussi, nouveauté : je me mets de plus en plus à écrire et à dessiner dans des carnets. Depuis que je me suis remis au stylo plume (j'ai découvert les Lamy Safari), il y a plein de fois où je n'ai plus envie d'écrire de façon linéaire sur l'ordinateur mais de... comment dire... placer des mots dans l'espace. Avec des flèches et des dessins. De tout mélanger.

Et je l'impression que ça débloque des choses aussi.

Attention : le journal reste ma principale activité. C'est là que je pose des mots sur les choses importantes et que j'ai vraiment l'impression d'avancer. Mais... Je sais pas. Parfois il y a des idées qui n'ont pas besoin de longues phrases. Juste deux ou trois mots savamment placés sur la page qui créent une tension ou quelque chose. Et ça n'aurait pas de sens de les taper. Un peu comme les listes que j'avais partagées dans ce post.

Sachant qu'en plus ça m'avait toujours emmerdé les gens qui disent "moi, j'écris toujours au stylo, j'ai besoin du contact avec le paper gna gna gna". Je m'en fous du contact avec le papier. Il me fait chier le papier. C'est un arbre crevé pour rien. C'est le rappot à l'epace qui m'intéresse. Le fait de ne pas mettre les mots à la queue leu leu, bêtement, comme s'ils attendaient dans la file pour les toilettes.

D'ailleurs, tous les trucs importants – les romans, les scénarios, les articles – je les écris sur ordinateur.

J'ai besoin de voir à quoi ça va ressembler à la fin.

D'ailleurs, j'ai un système pour écrire qui m'aide beaucoup à prendre du récul.

J'écris sur un petit programme qui s'appelle "Vim", dans le Terminal (si vous ne savez pas ce qu'est le Terminal, je ne vais pas vous l'expliquer maintenant) et qui est normalement utilisé par les codeurs. C'est un programme extrêmement spartiate où j'écris en blanc sur fond noir. Aucune mise en forme, rien.

En revanche, j'appuie sur une combinaison de touches et BOUM ! Apparaît le roman dans une forme presque imprimée. Ou BOUM ! Apparaît le scénario formaté comme il faut.

Et ça m'aide beaucoup, cet aller-retour. Ça m'aide à prendre du recul. J'écris dans un environnement où la forme ne compte pas puis, quand j'ai fini, je regarde ce que le lecteur verra (ou en tous cas une version très proche). Et ne pas voir dans le même environnement où on écrit, ça permet un peu de se laver les yeux.

Parce que, soyons honnête : tout est dans le recul.

Il faut dormir sur les choses.

C'est ça, la seule arme de l'auteur et de l'écrivain.

Si vous lisiez mes premiers jets de quoique ce soit, vous penseriez qu'ils sont écrits par un enfant de cinquième avec de gros problèmes personnels. Mais quand je viens de l'écrire, je ne m'en rends pas compte. Je trouve ça génial. C'est le lendemain que je me rends compte à quel point c'est pourri. Alors je reprends, je corrige.

L'écriture pour moi, c'est vraiment comme de la sculpture.

On jette de la matière en vrac là où on sait qu'il faut quelque chose. Mais au début, c'est informe. Puis on repasse dessus, on repasse dessus, on repasse dessus... On essaie de poursuivre dans les nouvelles phrases le mouvement qu'on avait créé dans les phrases et les pages précédentes. Comme un sculpteur qui poursuit la trajectoire du muscle dans la masse qui deviendra bientôt le pied. Après, il faudra encore dessiner tous les orteils...

Il est 23h16. J'ai pondu ça en quinze minutes. Et vous savez quoi ? Comme promis, je ne relis même pas. Dites-moi si vous voyez des fautes.