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La Merdification

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Cory Doctorow dans le podcast d'Adam Covener sur la medification.

Cory Doctorow a inventé le terme "Enshittification".

Dans le podcast d'Adam Conover, je pensais qu'il allait faire un bref état des lieux, un peu de pub pour son bouquin éponyme, deux ou trois blagues, et puis voilà.

Ce que j'ai découvert : un des discours les plus riches et les plus pertinents sur la technologie, la propriété intellectuelle et le monde moderne que j'ai entendu depuis longtemps.

Cory nous explique que le processus de merdification se fait en cinq étapes :

  1. Produire un super produit pour attirer les clients.
  2. Les "ferrer" ("lock them in") en rendant le départ compliqué ou coûteux.
  3. Dégrader l'expérience utilisateur pour la rendre plus attirante pour les entreprises.
  4. Ferrer les entreprises à leur tour par manque d'alternative.
  5. Dégrader l'expérience pour tous afin de garder le surplus.

À l'instar des banques ("too big to fail"), les grandes plateformes puisent leur pouvoir de la difficulté de leurs utilisateurs à partir ("too big to care").

Ce qui leur donne liberté entière pour transformer – et au final dégrader – l'expérience client à leur profit exclusif. 3 exemples :

  • Google a volontairement dégradé la pertinence de son moteur de recherche pour multiplier les impressions publicitaires (+ de recherches pour trouver un résultat = + de pub)
  • En Finlande, les prix affichés par les étiquettes électroniques dans les supermarchés changent environ 2000 fois par jour pour ne jamais perdre la marge ajustée.
  • Aux USA, la plupart des infirmières sont des freelance qui passent par une plateforme pour être engagées. L'application a accès à leur "credit score" ce qui permet aux hôpitaux de proposer des salaires moindres aux infirmières en difficulté.

Dans ce processus, une app est, selon Cory, un "site web empaqueté dans de la propriété intellectuelle" : la loi interdit formellement de customiser, étendre ou adapter une application, sous peine de lourdes sanctions.

Donc l'utilisateur n'a aucune arme pour se défendre et "dé-merdifier" son expérience. Il est prisonnier.

"Imaginez que la personne qui a fabriqué votre maison soit la seule à pouvoir la réparer."

Des solutions ?

Les efforts de l'UE pour encadrer la technologie (notamment concernant l'interopérabilité) sont une bonne piste, dit-il. Mais la fameuse "Euro Stack" censée remplacer les GAFAM ne sera utile qu'avec les bons outils de migration permettant aux administrations de ne pas repartir de zéro – impossibles à concevoir sans reverse engineering.

Au final, il estime que les grandes entreprises sont obsédées par les IP (intellectual properties) dans l'illusion qu'elles leur permettraient de s'affranchir du facteur humain, moins contrôlable. Mais :

"La recette pour fabriquer quelque chose est beaucoup moins importante que la connaissance nécessaire pour la suivre."

23/10/25 technologie société

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