Éveil du Dimanche Soir

Rien posté du weekend et beaucoup de travail alors j'ai cherché parmi mes impros vidéos de l'année dernière une que je pourrais reposter vite fait bien fait. J'ai été heureusement surpris de voir que l'une des plus vues était aussi l'une des plus spontanées.

Encore un truc de beatnik :

Un jour, il faudra que je fasse un vrai bilan de cette année d'impro. Et que je change ma gueule sur la couverture de cette vidéo.

Sous Son Œil

Il est certains regards qu'on a intériorisés.

Celui d'un parent, d'un professeur, d'un ami, d'une idole. Quelqu'un qui a eu de l'importance à un moment et qui est devenu un filtre invisible et permanent dans notre façon de voir le monde.

Sans s'en rendre compte, on réagit pour cette personne.

On imagine inconsciemment ce qu'elle trouverait admirable, ridicule, bienvenu, inapproprié. On fait semblant d'apprécier, de détester, de s'amuser, d'être offensé. On agit contre son instinct pour obtenir l'approbation de quelqu'un qui n'est pas là.

On en vient à vouloir contrôler ses pensées. À justifier les fulgurances qui ne vont pas dans le bon sens. Celles qui ne plairaient pas.

Parfois, plusieurs regards se fondent en une masse indistincte qui n'a plus de nom. Une présence multiforme qui juge et qui devient une partie de nous. Voilà le danger : quand la genèse du regard disparaît et qu'il ne reste plus qu'un jugement permanent dont on ignore l'origine. On cherche à marquer des points dans un jeu sans adversaire qu'on ne peut pas gagner.

Le premier remède est de s'en rendre compte. Reconnaître ces moments où le surmoi nie l'instinct, où le cœur dit une chose à laquelle le cerveau s'oppose par réflexe. Comme si l'élan lui-même était tabou. D'où vient ce jugement ? Y a-t-il une présence derrière tout ça ?

Ensuite, se souvenir que ces regards sont des constructions intérieures qui n'ont plus aucun lien avec les personnes qui en étaient la cause. Des jugements qu'on entretient entre soi et soi, sans ancrage dans la réalité, et dont on peut choisir de se débarrasser sans demander la permission.

En Parlant de Technologie...

Comme beaucoup de créateurs que je suis sur Youtube et ailleurs, exurb1a est anglophone. Mais j'ai trouvé cette vidéo particulièrement bien traduite (cliquez sur la petite roue paramètres > sous-titres > français) :

Et si l'anglais n'est pas un problème pour vous, je vous conseille cette vidéo sur Mars absolument hilarante (sans sous-titres) et ce conte philosophique très poétique (pas trop mal traduit : sous-titres > sous-titres automatiques > français).

C'est un nouveau genre qui me plaît : un mélange d'histoires et d'essais qui se distinguent avant tout par la qualité de l'écriture, les images n'étant qu'un soutien au discours. Je trouve ça libérateur et j'ai envie d'essayer bientôt.

Pourquoi la Technologie Me Met de Mauvaise Humeur

Oui, c'est un lieu commun, mais dont j'ai pris conscience récemment à titre très personnel.

J'ai réalisé dernièrement que j'étais davantage prompt à m'énerver après de longues périodes de travail sur ordinateur. À cause des bugs ? Pas du tout. Parce qu'après une interaction prolongée avec un esclave numérique qui répond au moindre clic, qui exécute mes ordres sans discuter, sans juger, sans se fatiguer et qui, en outre, brille par sa rapidité, son harmonie visuelle et sa disponibilité sans faille, je suis beaucoup moins enclin, quand je retourne parmi les vivants, à supporter la lenteur, l'incompétence et la mauvaise foi du monde.

Songez-y : à l'époque où nos ancêtres ne se souciaient que de la terre et des saisons, rien dans leur quotidien – rien ! – ne répondait au doigt et à l'œil. Tout dépendait de la force humaine, animale ou naturelle. L'instantané n'existait pas.

Ma théorie est donc la suivante : le jour où on a inventé l'interrupteur, l'humanité a perdu un peu de son calme

NB: Je réalise que l’informatique énerve aussi ma mère mais pour la raisons exactement inverse : l’absence totale de contrôle sur ce qui se passe à l’écran. À chaque fois que je la vois intéragir avec un ordinateur, ça me rappelle ce mème

Sur Microsoft word.

Bouge une image de 1 mm sur la gauche.

Tout le texte et les images se décalent. 

Quatre nouvelles pages apparaissent.

Au loin, des sirènes.

Les Truffes (ou Comment Blâmer les Victimes)

J'ai éclaté de rire devant cette séquence du documentaire Netflix Le Masque d'Olivier Bouchara et Jérôme Pierrat sur les escroqueries téléphoniques de Gilbert Chikli. J'espère qu'on ne m'accusera pas de piratage mais je n'ai pas pu m'empêcher de vous mettre une capture d'écran ici :

Quand le journaliste rétorque que les victimes ont été manipulées, la tête de Maître Kaminski n'a pas de prix. "Il ne faut pas inverser l'histoire" ose-t-il dire. Chapeau l'artiste.

Ce que j'avais adoré dans La Famille Addams (mais que j'ai détesté dans Mercredi)

Je profite d'avoir arrêté au milieu du premier épisode de Mercredi (j'ai essayé d'aller au bout, je promets, j'ai même arrêté puis repris) pour vous raconter ce que j'avais vraiment aimé dans le film de Barry Sonnenfeld La Famille Addams.

D'abord, oui : c'est un type d'histoire difficile à naviguer. C'est piégeux, pour un scénariste. Quand on suit une famille où tout est à l'envers, ou le mal est bien, où le haut est bas, et où toutes les valeurs sont inversées, le spectateur peut avoir un problème d'identification avec les personnages. S'ils aiment tant la tristesse et l'échec, quelle est leur motivation pour surmonter les obstacles que le film met sur leur chemin ?

La version de Sonnenfeld avait trouvé un bon équilibre. Mais pas seulement : il avait réussi à complètement renverser la vapeur. 

Sans rien perdre de l'esprit de la série, le film avait brillamment dépeint ce que de nombreux psychologues, sociologues et maîtres zen décriraient comme la famille parfaite. 

Si, je vous promets. Si vous ne me croyez pas, je vous encourage à revoir le film sous cet angle. Je ne pourrais pas faire la liste de toutes leurs vertus mais en voici quelques unes en pagaille :

C'est une famille unie où plusieurs générations vivent sous un même toit ; les parents sont amoureux et professent sans cesse leur attachement en public ; ils sont cultivés, vivent au milieu des livres et parlent plusieurs langues ; ils suivent leur passion sans juger les autres et sans se soucier de ce qu'on pense d'eux ; ils discutent ouvertement de la mort et cultivent un rapport avec leur ancêtres dont ils tirent une partie de leur identité ; ils aiment rire, faire la fête et dansent extrêmement bien ; l'éducation des enfants est construite autour du jeu, du dialogue et de la confiance ; malgré leur richesse, leur culture n'est jamais basée sur l'argent ni la possession ; malgré tout ce qui les sépare des autres, ils n'ont jamais peur des étrangers et sont extrêmement inclusifs, y compris avec ceux qui ne leur ressemblent pas et les jugent sévèrement.

Et lorsque le ciel leur tombe sur la tête, ils se serrent les coudes avec dignité.

C'était ça, la force et l'ironie du film : le véritable modèle, c'était la famille Addams. Pas la Famille Parfaite qui  juge le reste du monde en chemin vers l'église. (Mais dont certains membres trouvent une rédemption grâce aux Addams, justement.)

Je ne m'attendais pas à la même chose dans la version Netflix, bien sûr. Mais ils se sont pris les pieds dans le tapis, ai-je trouvé. Ils ont pris l'anecdotique du film pour en faire le coeur de la série. Et n'ont pas su naviguer l'inversion des polarités.

Bien sûr, tout le monde me dira que tout le sel se trouve dans la fin du premier épisode que je n'ai pas vue. Ou dans les épisodes suivants que je ne regarderai pas. Mais rassurez-vous : j'ai vu la danse de Mercredi sur internet. Je n'ai donc pas tout manqué.

Comment les Habitudes Contrôlent notre Vie

Nos habitudes sont une aubaine et une malédiction.

Une aubaines parce qu'elles permettent de ne pas réinventer la roue en permanence. On se laisse guider par le train-train : les mêmes actions, dans le même ordre, produisent les mêmes résultats. On ne peut pas tout remettre en question chaque matin.

Une malédiction parce qu'elles nous emprisonnent. Une fois mises en place – depuis des années, des décennies – elles sont extrêmement difficiles à transformer. On fait ce qu'on fait parce qu'on ne sait pas faire autrement.

Une habitude ne requiert pas d'énergie mentale. En suivant le même trajet, les mêmes automatismes, on met une partie de son quotidien en pilote automatique afin d'être disponible pour le reste. Mais quand on veut changer – arrêter de fumer, commencer le sport, ne plus se ronger les ongles – l'effort nécessaire consomme une énergie qu'on ne peut plus utiliser ailleurs. Tout le reste en devient d'autant plus difficile.

On est la somme de ses habitudes.

De nombreux traits qu'on pense faire partie intégrante de notre identité sont en réalité des habitudes qu'on pourrait changer. Ce que les psychologues appellent "le déclaratif" ("moi je suis ainsi, j'aime ceci, je déteste cela, je fais toujours telle ou telle chose, etc") est souvent une excuse pour justifier une façon de faire qu'on n'a pas l'énergie d'amender.

Et puis c'est rassurant, la fatalité. Il est plus facile de dire "je suis comme ça" que d'essayer de faire autrement.

Ce lien entre identité et habitude est décrit par James Clear dans Atomic Habits. Notre culture aujourd'hui, dit-il, est le résultat de nos habitudes de lecture des dix dernières années. Notre santé, le résultat de nos habitudes alimentaires et sportives des dix dernières années. Nos finances, de nos habitudes de travail et d'épargne des dix dernières années.

Et la personne qu'on sera dans dix ans, le résultat des habitudes qu'on met en place aujourd'hui.

Mais ce que je trouve passionnant – et qui a été une véritable source de progrès au cours des dernières années – c'est de reconnaître notre ignorance presque totale de leur genèse.

Le plus souvent, on ignore comment sont nées nos habitudes. Plus elles sont anciennes, moins on sait. Et puisqu'elles contrôlent une grande partie de notre vie, cela revient à dire que, bon an mal an, on ignore pourquoi on agit. Pire : quand on nous pose la question, on affabule, on invente des excuses mêlant "je suis comme ça" aves des histoires fumeuses sur le passé, les croyances, la société... Tout plutôt que d'admettre qu'on ne sait pas.

Pensez-y : pourquoi mangez-vous trois fois par jour ? D'où vient votre rapport au travail, à la réussite, à l'échec ? Comment sont nées vos  addictions ? Vos passions ? Pourquoi écoutez-vos cette musique, regardez-vous ces émissions, faites-vous confiance à tel groupe plutôt qu'à tel autre ?

D'où vient tout cela ? De vos parents ? De l'école ? De la télévision ? Du travail ?

Et surtout : si vous ne savez pas comment ni pourquoi ces habitudes se sont installées, comment savoir si elles sont vraiment bonnes pour vous ?