Il y en a pour les scientifiques comme pour les beatniks. Le thème commun : la réalité n'est pas ce que vous croyez. C'est parti.
Commençons par la science : j'ai découvert Don Hoffman dans ce podcast de Lex Fridman. C'est un chercheur au département de Sciences Cognitives de l'Université de Californie. La thèse qu'il défend dans son livre The Case Against Reality est simple : l'évolution se fiche pas mal de la vérité. À partir de modèles ancrés dans la théorie évolutive des jeux, il déduit que la perception que nous avons du monde est biaisée vers la survie. Autrement dit, notre cerveau n'aurait aucun scrupule à ignorer ou à déformer la vérité tant que ça nous donne un avantage adaptatif. Ce n'est pas sa faute : il a été programmé comme ça par des millions d'années d'évolution.
Ainsi, une espèce qui percevrait toutes les variations subtiles d'un signal pourrait être désavantagée par rapport à une autre qui verrait les choses de façon beaucoup plus manichéenne (rouge = danger !) mais beaucoup plus simple à analyser en cas d'urgence. Dans cette course – comme dans beaucoup d'autres – ni les esthètes ni les poètes ne survivent.
Côté beatnik, ça fait plus d'un an que je progresse dans le livre Seing that frees de feu Rob Burbea.
Je le décrirais comme un livre de méditation avancé centré sur la notion de "vide" (emptiness en anglais) dont j'ai déjà parlé ici. L'idée centrale est que la réalité est beaucoup moins réelle qu'on n'imagine. On est persuadé qu'il existe un monde matériel "solide" qui perdure dans le temps et continue d'exister quand on ne le regarde plus. Par une série de méditations centrées sur l'impermanence, le détachement et la coproduction conditionnée, Rob Burbea nous montre que la réalité est en partie une fabrication interne qui se construit et se déconstruit sous l'impulsion de la conscience. Il nous apprend à utiliser différentes façons de voir le monde comme autant d'outils qu'on peut saisir et reposer afin de gagner en liberté.
À mes amis, je résume ces idées en une phrase : "la réalité est constituée des pensées dont vous n'arrivez pas à vous débarrasser". Le jour où j'ai compris ça, beaucoup de choses ont changé.
Enfin, entre science, philosophie et New Age, il y a Pourquoi le matérialisme est absurde, de Bernardo Kastrup.
À l'origine, Kastrup est un chercheur brésilien en ingénierie informatique qui a notamment travaillé au CERN. Quand il a souhaité mettre au point un programme informatique "conscient", il s'est intéressé au problème de la conscience d'un point de vue philosophique et en est sorti avec un théorie métaphysique qui remet l'idéalisme au goût du jour. Son idée est la suivante : il est aujourd'hui impossible de comprendre comment la matière crée la conscience – le fameux "problème difficile" de David Chalmers. Il retourne donc les choses : c'est la conscience qui crée la matière. Les lois de la physiques ne découleraient plus du modèle standard mais seraient des régularités d'une conscience partagée dont chacun ne percevrait qu'une partie. Selon lui, nous "pensons" la matière. Ça paraît un peu fou mais son propos est justement de montrer, via un raisonnement type Rasoir d'Occam, en quoi c'est "moins fou" que l'hypothèse matérialiste.
Bien sûr, on nage en pleine métaphysique donc tout cela ne changera pas immédiatement la façon dont vous choisissez vos chaussettes le matin. Mais à terme, ça devrait.
UPDATE: Toutes ces réflexions m'ont amené à imaginer ce projet de film dont je reparlerai.