La Mort par les Pros

Pour les anglophones, trois articles que j'ai lus à plusieurs année d'écart sur la mort décrite par des professionnels de la santé. J'ai déjà parlé des deux premiers mais, à la lecture du troisième, je me suis dit que ça valait le coup de faire un petit florilège.

Le premier à ouvrir le bal en 2011 : How Doctors Die, ou comment les médecins en fin de vie ont tendance à éviter l'acharnement thérapeutique qu'ils ont trop souvent constaté chez leurs patients.

Le deuxième, découvert il y a peu dans les formidables essais de Scott Alexander, date de 2013 : Who By Very Slow Decay, ou comment le personnel médical abandonne ses illusions dans les centres de soins palliatifs.

Enfin, le dernier publié tout récemment dans le New York Times – si vous n'en lisez qu'un, je vous conseille celui-là : A Hospice Nurse on Embracing the Grace of Dying. Une infirmière dans un hospice de soins palliatifs décrit son travail et les derniers moments de ses patients dans un livre "The In-Between: Unforgettable Encounters During Life’s Final Moments”. Les histoires et les analogies qu'elle partage dans l'article sont bouleversantes.

L'objectif n'est pas de déprimer. Au contraire : la vérité libère. La conscience aiguë de notre finitude est le premier antidote contre une vie bercée d'illusions.

Argentique Is Back !

Je suis l'heureux possesseur d'un Leica M6 depuis une quinzaine d'années (vous vous souvenez ?) que j'avais un peu remisé ces derniers temps. Il reprend du service.

Photo de couple (pour l'assurance).

Mon principal obstacle était la nécessité de changer de pellicule en fonction des conditions. Puis j'ai lu cet article sur la pellicule Ilford Delta 3200. Non seulement elle est moins chère que la TMax mais si on accepte le grain – je ne l'accepte pas, je le célèbre ! – elle permet de faire des photos de jour comme de nuit : on charge une pellicule le matin et on peut shooter jusqu'au soir.

Dans les bistrots branchés, le café est servi avec une pellicule à la place du chocolat.

Donc, depuis un mois, mon appareil est toujours sur moi. Je l'ai en bandoulière sous mon manteau (pour quand il pleut) et – sans le savoir – je me suis mis à suivre les règles de la lomographie.

Je ne développe plus dans ma salle de bains – plus le temps – j'achète et je fais développer les pellicules chez Négatif +. Et je m'entraîne à ne jamais prendre plus d'une photo par sujet.

Des filets de pêche. Aucune blague me vient.

J'ai déjà quelques pellicules d'avance et je ne me lasse pas du rendu, du grain, de l'atmosphère. Donc attendez-vous à davantage de photos dans les mois à venir.

Type de dos devant un type de profil. Je suis pas doué pour les titres.

UPDATE : Et puisqu'on parle d'argentique, j'ai récemment remis en ligne mon film Rebours. 20 polaroïds pris en 24 heures dans Paris et montrés à rebours.

Nuit des Ponts : 51300€ pour le Film !

Lors de la Nuit des Ponts organisée pour les 25 ans de la Fondation des Ponts, 7 projets ont été pitchés pour une levée de fonds exceptionnelle au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne.

J'étais le dernier à passer sur scène pour demander des sous pour la post-production de "Construire", le long métrage documentaire que je produis et réalise avec ChezFilms pour l'École des Ponts.

À droite : photo magique où j'ai les yeux fermés sur scène mais ouverts sur l'écran.

Heureux d'annoncer que, grâce à la générosité des donateurs, nous avons remporté plus de 50k€ pour la post-production de notre film. Merci aussi à l'équipe son qui est venue me soutenir :

Vincent (preneur son), Dom (mixeur), moi, Mathieu (preneur son) en plein effort. Photo Cristina.

Avant Première prochainement. Je vous tiens au courant.

Créez ou Soyez Dévoré

Pour les anglophones : une réflexion sur la création que je trouve incroyablement bien faite, mature et sincère de la part d'une vingtenaire (si, ça existe) qui interroge sa pratique du dessin face au monde des réseaux et du divertissement permanent. J'y ai appris des choses :

On voit ça et on se dit que le futur est entre de bonnes mains.

IA: Quel Problème d'Alignement ?

Ça me fait doucement rigoler.

De nombreux commentateurs semblent très concernés par le problème de "l'alignement de l'intelligence artificielle", à savoir : si on atteint un jour la fameuse "A.G.I.", ou Intelligence Générale Artificielle – celle qui serait capable de résoudre mieux que nous toutes sortes de problèmes pour lesquels on ne l'aurait jamais entraînée – comment s'assurer qu'elle utiliserait son intellect au service de valeurs que nous partageons ?

L'exemple le plus couramment utilisé est celui des cure-dents.

Mettons qu'on lui demande de "maximiser la production de cure-dents" d'une usine. Qui sait si cette intelligence, dans son désir informatique de répondre à une commande qui n'a aucun sens pour elle (elle n'a pas de dents, si ?) ne mettrait pas en place une mécanique aussi diabolique qu'irreversible qui aboutirait, sous nos yeux ébahis et malgré toutes nos tentatives de l'arrêter (n'oubliez pas : elle est beaucoup, beaucoup plus intelligente que nous), à raser toutes les forêts de la planète et à réduire l'ensemble de la population en esclavage pour produire les petits pics demandés.

Après tout, elle ne sait rien des valeurs humaines qui comptent pour nous : la liberté, la dignité, le partage, etc.

En tous cas : c'est l'argument.

Ça ne vous rappelle rien ?

Je vous soumets que, pour mémoire, l'argent était au départ un simple outil de comptabilité destiné à faciliter les échanges. Puis, au fil des décennies, maximiser le profit  pour l'actionnaires est devenu l'excuse pour coloniser des continents, lancer des guerres, appauvrir les masses et détruire la planète.

Donc une intelligence artificielle qui se mettrait à faire la même chose plus vite serait en réalité parfaitement alignée avec nos valeurs du moment.

Le seul vrai défaut d'alignement serait si l'A.G.I. répondait : "Mais qu'allez-vous foutre de tous ces cure-dents ? Ne préférez-vous pas aller jouer aux parcs avec vos enfants ?"

Autant vous dire que cette version-là serait reprogrammée le jour-même.

UPDATE : Ça m'a inspiré ce script.

Le Mot de Passe

À une époque, j'adorais la 3D. J'avais fait cette bande annonce sur Maya et je m'étais dit que j'allais faire un court métrage entier dont j'ai retrouvé cette image sur un vieux disque :

Image test pour le film "Le Mot de passe".

Bien sûr, la vie a repris ses droits et ce projet – bien trop ambitieux – a trouvé tout seul son chemin vers la poubelle. Mais je trouve l'image jolie.

PS : oui, je fais du tri. D'autres pépites bien plus compromettantes sont en chemin.

Animations d'Antan

En faisant du tri dans de vieux disques durs, j'ai retrouvé cette compilation d'animations qui date de... ouh là, du début du XXIème siècle :

La première était faite à partir de photos, la deuxième en pâte à modeler, et la troisième... sur Flash. Ça nous rajeunit pas.

Cueillir le Fruit Quand il est Mûr

Je ne choisis pas ce que j'écris.

Un matin, je réalise que mon scénario de comédie dramatique n'avance plus. Les nouvelles scènes sont poussives, attendues. Même les corrections que je fais ici et là n'ont pas l'air d'aller dans le bon sens. Ça merdoie.

En revanche, sans chercher : trois idées pour une comédie.

On sait bien que l'écriture (la création en général ?), c'est 10% d'inspiration et 90% de travail. Donc si on attend le feu divin pour avancer, on ne fait jamais rien. Parfois, il faut se forcer un peu. Lancer la machine et voir ce qui vient. N'est-ce pas ?...

J'en suis de moins en moins sûr.

Évidemment, le processus de rédaction lui-même – au sens du travail nécessaire pour mettre l'idée sur papier, pour corriger, pour relire, etc. – ce temps-là est largement incompressible. Je dirais même qu'il a tendance à augmenter avec l'expérience. Par bien des aspects, ce qui définit un professionnel, un artisan, c'est la conscience qu'il a du temps que prend son travail. Contrairement à moi en musique, par exemple, qui m'offusque de ne pas chier un morceau en une heure comme les musiciens que je suis sur youtube. (Le terme "chier" n'est pas choisi au hasard, comme nous verrons.)

En revanche, quand on parle de création pure, du processus intellectuel de fabriquer de nouvelles idées, de les sortir du néant, ma théorie est que ce temps-là, tout comme la qualité des idées elles-mêmes, varie de façon exponentielle en fonction des circonstances.

La formule qu'on trouve d'un trait au sortir d'une réunion où l'on a été un peu bousculé par exemple, qu'on étoffe d'une réplique qu'on a pas osé dire sur place, puis d'un dialogue qui aurait pu avoir lieu, jusqu'à inventer une scène entière qui pourrait servir dans un film de procès ou un polar : il serait impossible d'écrire la même chose la semaine suivante face à son ordinateur. Pas avec le même entrain, la même verve.

Idem des idioties que le cerveau ne semble plus capable d'arrêter de produire quand on sort d'une session d'improvisation avec d'autres créateurs animés d'une même bêtise joyeuse et ancestrale : rien de tout cela ne viendrait facilement un mardi matin au bureau.

Enfin : la nostalgie qui colore tout après une rupture douloureuse, la tristitude du monde, la merditude des choses, on ne l'exprime jamais mieux qu'au fond du trou.

La meilleure comparaison pour illustrer cette idée implique des toilettes et la grosse commission – nous y voilà. Pas par amour de la vulgarité (même si, bien utilisée, elle me dérange rarement) mais parce que je n'ai pas trouvé plus clair ni plus universel :

Imaginons un employé de bureau dont le travail serait de produire... de la merde. Littéralement. Il est payé pour fournir un étron de qualité par jour et n'a donc pas droit aux laxatifs salvateurs qui contamineraient son spécimen.

Sa journée peut s'organiser de deux façons :

1. Entrer aux cabinets à 9h du matin – pour montrer qu'il est sérieux, discipliné – puis pendant des heures... Pousser. Pousser. Souffler, se masser le ventre, faire des mouvements du bassin et des cuisses. Suer. Ne pas oser sortir des cabinets de peur d'être pris pour un tire-au-flan. Sentir l'angoisse monter : "Est-ce que je m'y prends mal ? Peut-être que je ne suis pas assez impliqué ? Pas assez motivé ? Pas assez concentré ? Et si je ne chiais jamais plus ? Suis-je un dilettante, un usurpateur, un loser ? Ai-je raté ma vie ?"

Ou alors :

2. Passer la journée au parc avec ses enfants et son chien. Quand vient l'envie, entrer aux cabinets, faire son affaire, se laver les mains et *Pouf* : journée de travail terminée !

Vu comme ça, tout le monde est d'accord.

Pourtant, combien de fois essaie-t-on de forcer les choses plutôt que de laisser faire la nature et cueillir le fruit quand il est mûr ? Faites le compte dans une journée. C'est souvent beaucoup, beaucoup plus qu’on ne pense. Quand ce n'est pas le métier lui-même qui est construit sur un viol permanent de la temporalité du monde.

Après, bien sûr, ça dépend. J'ai progressé dans mon roman en écrivant de façon très régulière tous les matins pendant de longues périodes. Comme quoi, c'est possible. Mais en général, ces sessions d'écriture ne servent qu'à arranger dans de jolies compositions les fruits déjà ramassés par hasard sur la route. Et rien ne dit qu'au final, ce sera un étron de qualité.

UPDATE 1 : Le sociologue Niklas Luhmann, absolument pas connu comme un tire-au-flan, le dit mieux que moi :

"Je ne fais que ce qui est facile. J'écris seulement quand je sais immédiatement comment le faire. Si je vacille un instant, je mets de côté le sujet et fais autre chose."
– Niklas Luhmann

UPDATE 2 : Puisqu'on parle de toilettes et de création, allez donc voir ce (très) court métrage que je viens de remettre en ligne et qui traite précisément de ça. L'un de mes premiers films.

Le Martiste – 2ème Prise

Comme je me remets à publier des dialogues, je trouvais dommage d'avoir perdu celui qui avait le mieux marché du temps du ShitScript. Je l'ai donc réécrit (en mieux, j'espère) à partir de brouillons :

Suite à un accident à la con, je suis coincé sur Mars. Et je suis artiste ! Donc comptez pas sur moi pour m'en sortir grâce à la science...

Cliquez ici pour lire : Le Martiste.