Souvent, quand je regarde un documentaire, je me demande comment des gens qui prétendent être si atteints, si déprimés, parfois si malveillants, peuvent sembler si ouverts, si sincères et avoir autant de recul au moment de raconter leur histoire. L'hystérique est parfaitement calme. Le menteur compulsif raconte toute la vérité. Ceux qu'on présentait comme souffrant de retards intellectuels ou émotionnels font preuve d'une clarté et d'une intelligence hors du commun dans leur introspection.
Ce n'est pas de la mise en scène, ni de la manipulation. C'est l'effet caméra.
Un jour, au milieu du train-train, un réalisateur les a appelés et s'est intéressé à eux. Il leur a posé des questions, a voulu en savoir davantage sur leur vie. Il ne semblait pas y avoir de prix à cet intérêt, pas de piège, rien à donner en retour. La confiance est née. Puis, le jour de l'interview, toute une équipe s'est mise en branle : on a installé des lumières, du matériel, déplacé des meubles et, au moment opportun, cette machinerie s'est tue pour recueillir leurs propos. Le réalisateur, le chef opérateur, l'ingénieur du son, l'assistant, tous ces gens étaient à l'écoute.
On cherche tous à prouver qu'on existe.
Par bien des côtés, la peur de ne pas être vu est la mère de toutes les peurs. À un petit niveau – l'irritation d'être bousculé par quelqu'un qui ne fait pas attention – ou à un niveau plus essentiel – la sensation d'être ignoré par ses parents, par ses amis, par le monde en général.
Lors d'une interview, cette peur s'éteint. Les lumières, la caméra, l'attention de toute l'équipe sont braquées sur soi. On a le temps. On se sent écouté. Les barrières qu'on avait mises en place pour se protéger, les réflexes qu'on avait créés pour prouver qu'on est là, pour attirer l'attention, tout cela peut être mis en pause.
On révèle la personne formidable qu'on serait à chaque instant si le monde prêtait attention.