D’abord, soyons clair : je ne suis pas religieux pour deux sous.
J’ai beau être baptisé, communié, sur-communié, j’ai tout laissé tomber vers l'âge de douze ans et les années n’ont fait que consolider mon rejet de toute religion organisée.
Quand on me pose la question, je réponds que je suis agnostique et athée – ce qui peut sembler contradictoire. Agnostique parce que je n’ai pas fait le tour de l’univers et qu’il peut bien y a voir quelque chose, pour ce que j’en sais. Un sens, une équation, une métaphysique qu’on choisirait de personnaliser et d'appeler Dieu. Pourquoi pas. Mais au fond, je pense qu'on ne peut pas savoir et qu'on ferait aussi bien de ne pas s'en préoccuper – ce qui constitue la version forte de l'agnosticisme. Mais – et voilà mon côté athée – même s'il y a effectivement quelque chose là-haut, je suis persuadé que ça n’a rien à voir avec ce que les religions, passées ou présentes, essaient de nous vendre depuis des siècles. Pour moi, Bible, Torah, Coran et consorts sont de la mauvaise fiction utilisée pour maintenir une forme de contrôle.
Voilà d'où nous partons.
Pourtant, depuis quelques années, je me découvre une certaine spiritualité.
La spiritualité serait pour moi la connexion avec quelque chose de plus grand que soi – sans qu'il s'agisse nécessairement d'un dieu.
Il pourrait s'agir d'une connexion avec la nature, par exemple.
Je parle de nature au sens étendu : ce grand tout qui existe depuis le big bang, probablement avant, qui a donné naissance aux galaxies, aux étoiles, aux planètes, lesquelles ont permis l'émergence de la vie sous toutes ses formes : bactéries, plantes, animaux. Cette gigantesque soupe en transformation perpétuelle qui, par des lois que nous commençons à peine à comprendre, est à l'origine de tout ce que nous connaissons. Que certaines parties de ce tout développent une conscience propre et soient capables de faire l'expérience d'elles-mêmes et du monde, que cette complexité physico-chimico-biologique donne naissance à une telle simplicité d'expérience ("je suis") qui permette à chacun de dérouler le fil de sa vie sans avoir besoin d'en comprendre les rouages sous-jacents, je trouve qu’il y a une magie là-dedans. Un mystère, tout au moins. Une beauté, assurément.
Mais surtout : ce petit bout de spiritualité suffit à définir une frontière entre profane et sacré.
La vision profane du monde serait de ne voir ici-bas qu'une accumulation de matière et de lois physiques dont il faudrait s'emparer pour faire son beurre. Il n'y aurait de mystère nulle part, aucune question, aucun émerveillement et de là, aucun respect à cultiver envers rien. Seulement des ressources à exploiter. Le vivant ne serait alors qu’un combustible de plus au service de notre vision du confort et du progrès.
L'antithèse de cette idée, si bien défendue par Bernard Stiegler dans cette vidéo découverte dernièrement, me ramène également à ce que disait Alan Watts sur le sujet.
À savoir que le rapport qu'entretient l'homme à la nature est construit sur une double méprise. La première : que notre rôle serait de dominer la nature. Combattre et maîtriser les éléments pour imposer notre volonté. La seconde : que nous serions en position de la sauver. Que la planète – ou certaines parties de la planète – auraient besoin de nous pour continuer à être. Ces deux options, loin d’être équivalentes dans leurs effets, découlent à leur source de l’omission d’une même vérité fondamentale :
Nous sommes la nature.
Nous, les êtres humains, sommes autant la nature que les vaches, les arbres, les fourmis ou les dauphins. Nous sommes faits de la même matière, issus de la même évolution – physique et biologique – et sommes amenés à disparaître dans des conditions similaires. (Par exemple : en transformant notre écosystème au-delà des limites de notre propre survie – ce qui, dans l’histoire des espèces, n’a rien de neuf.)
Cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune différence entre l’Homme et les autres espèces. Bien sûr, il y en a. Mais quand on revient aux fondamentaux – vivre, survivre, trouver un sens – il me semble que notre appartenance au vivant est un meilleur prisme d’analyse que ce qui nous en sépare.
Car si nous sommes la nature, rien de ce que nous faisons ne peut être contre nature.
Nous faisons partie du grand tout. Les difficultés que nous rencontrons font partie du grand jeu. Et le mystère et la magie à l'oeuvre dans l'univers s'expriment aussi à travers nous.