Je Ne Sais Pas Quoi Lire... Ah si ! (Monstres Bibliques, Capitalisme et Fin de Vie)

J'ai décidé de ne pas renouveler mon abonnement au New York Times et au New Yorker pour voir ce que ça fait. Ne pas m'engoncer dans mes habitudes de lectures et découvrir de nouvelles pistes.

Donc récemment, je me suis trouvé un peu con à certains moments clé où j'ai l'habitude de sortir mon portable. (Pause déjeuner : check. Pause prolongée aux toilettes : check. Avant de me coucher : check.)  Un peu comme quand j'avais arrêté Facebook & Co : comment je faisais avant ? Qu'est-ce que je lisais avant que mon téléphone portable ne consume ma vie toute entière ?

J'ai réfléchi à m'abonner à des newsletters gratuites. Mais encore rien trouvé de concluant.

Et puis par hasard, je suis tombé sur une mine.

Alors désolé : c'est en anglais. Je fais toujours un effort pour ne parler ici que de choses accessibles dans les deux langues ou dont il existe (ou dont je peux faire) une traduction. Mais là, que dalle. 

Je suis tombé par hasard (via ce podcast de Lex Fridman) sur cet article incroyable : Méditations sur Moloch.

Moloch, c'est un monstre biblique qu'Allen Ginsberg a utilisé dans un fameux poème (en anglais ici, en français , ça commence dans la deuxième partie) pour décrire ce qui ne va pas dans le monde. Beaucoup pense qu'il décrit le capitalisme, mais justement : dans méditations sur Moloch, l'auteur décortique le poème et montre que s'y cache quelque chose de beaucoup plus sombre.

Moloch, c'est la course vers le bas à laquelle chacun est obligé de participer même quand on sait qu'elle est mauvaise pour tous. C'est la nécessité d'abandonner des valeurs profondément humaines pour gagner des avantages compétitifs qui nous laisseront à la traîne si on ne fait pas comme les autres. C'est cette force qui pousse vers la survie ("l'état de subsistance", dit-il) plutôt que vers la vie et qui, une fois cette période transitoire d'abondance passée, nous réduira tous en esclavage.

Et dans ce très long article extrêmement bien écrit, bourré d'exemples et de références, il dévoile une vision absolument Lovecraftienne du monde dans laquelle les humains sont à la merci de monstres ancestraux qui s'affrontent les uns les autres. Et l'un d'eux, celui qui est probablement en train de gagner : Moloch.

Ça m'a fait réfléchir sur la nature humaine, sur notre époque et sur ce qui nous attend, notamment en terme de contraction énergétique à l'heure de l'avènement de l'Intelligence Artificielle – l'un des monstres qui pourrait travailler pour nous ou contre nous.

L'article m'a tellement saisi que je suis allé voir un peu autour. L'auteur se fait appeler Scott Alexander, il est psychiatre de son état et... il a écrit des tartines et des tartines. Genre des centaines de posts. J'en ai lu trois ou quatre au hasard et j'ai été subjugué par le détail, l'intelligence, l'originalité.

Par exemple, si vous avez le coeur bien accroché et que vous voulez réellement prendre conscience de votre condition de simple mortel – et, je répète, si vous parlez anglais – vous pouvez lire Who by very slow decay qui parle de comment les médecins affrontent la fin de vie – qui ressemble un peu à How doctors die dont j'avais parlé il y a longtemps et qu'il mentionne. (Coïncidence qui m'a fait cliquer sur l'article : "Who by very slow decay" est une phrase de la chanson de Leonard Cohen "Who by Fire" que j'ai découverte la semaine dernière.)

Encore mieux : quand on va sur son blog, il a une liste longue comme le bras de liens vers d'autres auteurs qui tiennent des blogs tout aussi fournis : économie, science, rationalité, etc... Que des sujets de geeks qui m'intéressent. Et sa marotte à lui, le fil qui lie ses articles, c'est l'altruisme efficace (effective altruism) qu'il explique extrêmemement bien.

Moralité : faisons le vide pour découvrir du neuf.

 

Oiseau de Sang

Un autre de mes hobbies sans avenir : l'art génératif. Je programme en c avec la librairie Cairo pour faire des petits dessins. Je fais ça certains dimanches après-midi au lieu de bricoler.

Art génératif : que voyez-vous dans cette tâche ?

Là : test d'une nouvelle fonction de bruit pour diriger le pinceau. C'était pas à partager mais le résultat m'a surpris et comme je n'ai rien publié depuis une semaine...

À terme, j'aimerais utiliser cette technique en animation pour illustrer certains essais vidéo.

Parce que oui, c'est l'avantage : une fois un premier dessin réalisé, il est facile de bidouiller certains paramètres pour créer des animations psychédéliques très évocatrices.

Le Paradoxe des Éléphants (et des Dragons)

Le défi commence comme ça :

Ne pensez pas à des éléphants !

Bam ! Trop tard. Perdu.

Vous avez imaginé un éléphant. Ou Dumbo. Ou tout autre pachyderme lié à votre culture personnelle. Vous en avez peut-être imaginé un troupeau entier. La honte.

En psychologie, cet exercice sert à démontrer qu'on ne choisit pas toujours ses pensées. Une idée peut être plantée dans votre cerveau sans votre accord, comme sont plantées chaque jour des milliers de pensées par votre entourage, par les média, par le monde extérieur. Vous avez moins de contrôle sur votre mental que vous n'imaginez.

Mais depuis quelques années, j'apprends à développer une immunité.

Soyons clair : si vous me parlez d'éléphants, je vais penser à des éléphants, comme tout le monde. En revanche, si on faisait un concours et qu'il existait une machine pour mesurer ce genre de choses, vous verriez que je suis capable d'arrêter d'y penser beaucoup plus vite que vous.

C'est ça, mon super pouvoir : ne pas penser trop longtemps à des éléphants.

Ça peut paraître anodin (débile ?) mais cette capacité permet de vivre plus heureux. D'avoir moins d'anxiété, des relations sociales plus faciles, d'être plus léger en général. Mais avant de vous expliquer pourquoi, laissez-moi vous montrer comment. Parce que c'est très simple.

Pour arrêter de penser à des éléphants, il suffit de :

  1. S'autoriser à penser à des éléphants,
  2. Accepter d'être interrompu,
  3. Ne jamais célébrer.

Je développe.

La première étape paraît contrintuitive mais elle est éminemment logique : si on essaie de s'empêcher de penser à des éléphants, on examine chaque pensée pour vérifier qu'elle n'en contient pas. Vous voyez le paradoxe : c'est le processus de vérification qui entretient l'idée. Même si vous parvenez à passer à autre chose, c'est la comparaison qui ramène l'éléphant.

Pour contourner le piège, l'objectif est d'accepter la prochaine idée quelle qu'elle soit, sans jugement ni comparaison. Éléphant ? Très bien. Tigre ? Voiture ? Fromage ? Formidable. Tout le monde est bienvenu. C'est ce que j'appelle "accepter d'être interrompu" :  en supprimant la douane anti-pachyderme et en recevant sans condition ce qui vient, on rétablit le fil naturel de la pensée, le fameux "flot de conscience" qui, quand on ne le retient pas, ne s'attarde jamais trop longtemps sur un même sujet.

La troisième étape est décisive :

Ne pas célébrer, ça veut dire ne pas chercher à vérifier si on a réussi. Et donc ne pas se réjouir d'une éventuelle victoire. Car le même paradoxe entrerait en jeu : pour certifier cette victoire, il faudrait comparer la pensée actuelle avec la pensée interdite. Et patatras : revoilà l'éléphant.

C'est ça, l'essence profonde de "passer à autre chose" : ne plus entretenir le souvenir qu'on évite. Ne pas comparer le présent avec le passé qu'on ne veut plus. Accepter d'être ailleurs, entièrement.

Pourquoi ça rend la vie plus facile ? Parce que ce qui marche pour les éléphants marche pour l'anxiété, pour la jalousie, pour la colère. Par exemple, voici ma recette en trois étapes pour se débarrasser de l'angoisse :

  1. S'autoriser à être angoissé,
  2. Accepter d'être interrompu par une autre émotion,
  3. Ne pas vouloir célébrer la disparition de l'angoisse.

Là encore, la dernière étape est déterminante : après la bataille, on aimerait se réjouir de la mort du dragon. Crier qu'il y avait ici un monstre qu'on a vaincu. Sauf qu'il suffit de prononcer son nom pour qu'il revienne : là où cherche de l'angoisse – même pour vérifier qu'il n'y en a plus – on en trouve toujours un peu.

D'où l'importance d'avancer, de passer à autre chose sans se retourner.

Après, tout dépend de ce qu'on cherche dans la vie : exister comme le Grand Tueur de Dragons dans un monde qui en est infesté ? Ou vivre comme un quidam dans un monde où ils n'existent pas ? Car les deux sont possibles et le choix dépend entièrement de soi.

Léonard Cohen : Texte et Musique

Je redécouvre Léonard Cohen : The Partisan, oui, mais aussi "Who by Fire" qui me parle pas mal en ces périodes d’exploration zen.

Who by Fire, de Leonard Cohen

Je suis impressionné par la liberté métrique. 

Chantonner Leonard Cohen sous la douche est moins facile que prévu : on se retrouve avec des syllabes en trop, des temps en moins, on balbutie en fin de phrase, trompé par l'apparente simplicité de l'interprétation.

C'est la force des ses chansons, je trouve : la simplicité. Pas d'adjectif inutile, pas de rime obligatoire, pas de métrique imposée. On est surpris par une phrase qui s'arrête plus tôt que prévu ("I took my gun and vanished"), par la répétition inattendue d'un mot ("Oh the wind, the wind is blowing. Through the grave the wind is blowing") ou par le changement constant de métrique qui créé une musique dans la musique, comme dans "Who by Fire".

Cette liberté créé la surprise. La surprise donne du poids à chaque idée.

J’ai toujours pensé – sans trop y réfléchir, honnêtement – que la chanson était une prolongation de la musique. D'abord on apprend la guitare, ensuite on cherche quoi chanter. En écoutant Léonard, je comprends que la chanson peut être une extension de la littérature ou de la poésie : d'abord on écrit un texte, ensuite on trouve la musique pour le faire résonner.

Quand on s'arrête à l'écriture, il est impossible d'obliger le lecteur à faire une pause sur un mot ou de percevoir la couleur émotionnelle d'une phrase – ou alors en ajoutant d'autres mots qui diluent l'ensemble. Dès lors, une chanson peut être vue comme une mise en espace (et en temps) d'un texte. Par le rythme et l'interprétation, on donne à chaque mot la place et la coloration que l'auteur avait imaginée mais que la page seule ne pouvait retranscrire.

Bref, bientôt : Boulengerie, l'album. Préparez-vous.

New York 2012 Argentique

Retrouvé dans un vieux meuble les photos prises à New York où j'avais invité ma mère il y a dix ans. À l'époque, je faisais beaucoup d'argentique et au retour, on avait organisé une petite expo dans un bar. (Les photos ont fini par y rester plusieurs années.)

Voici quelques scans de négatifs sans correction ni filtre. C'est la force de l'argentique et de la pellicule ektar : des couleurs pleines, un contraste naturel qui conserve une forte dynamique. Rien n'est jamais complètement brûlé : même dans les ciels et les reflet, on trouve un peu de matière. Leica M6 et Summicron 35 et 50mm.

Ça donne envie de s'y remettre.

Maman traverse la 5ème avenue.
L'East Side vu depuis le Brooklyn Bridge.
Sans faire exprès, j'ai fait une pub pour Macdo.
Pause sur la célèbre High Line.
Jogging sur Peer 17.
Le West Side depuis le Reservoir de Central Park.

J'ai utilisé ces photos pour habiller le site en attendant de trouver mieux. Comme j'ai trouvé une mine, j'en posterai sûrement d'autres prochainement.

Test Studio pour le Film des Ponts

Journée de mise en place pour un projet que je produis et réalise avec ChezFilms pour les Ponts et Chaussées. Aujourd'hui : test grandeur nature dans le studio avant le tournage des interviews qui débute la semaine prochaine.

Chloë (gauche) sert de doublure lumière pendant que Paul (droite) fait son chef op.

Projet commencé en novembre qui durera jusqu'à l'été. J'en reparlerai.

Pourquoi l'Ascèse Rend Heureux : Mon Expérience Stoïcienne

Je m'étais laissé un peu aller alors ce week-end, j'avais prévu de reprendre les choses en main.

Zéro sucre : fini les pâtisseries, les gâteaux et le chocolat noir. Zéro alcool : on ne passe pas au Pub – ou alors pour un Perrier. Deux vraies sessions de méditation par jour : c'est vrai qu'à Paris, entre mon fils et les rendez-vous, je fais souvent ça trop vite – on s'y remet.

Puisqu'on y est : plus de portable. Je ne suis plus sur Facebook et compagnie mais je passe des heures sur Reddit et Youtube. On désinstalle ! (Quitte à réinstaller plus tard...)

Et pourquoi s'arrêter là ? J'ai poussé le vice jusqu'à faire l'expérience suivante :

Pendant quarante-huit heures, quand j'avais envie de faire quelque chose qui n'était pas nécessaire... Et bien NON ! Je ne le faisais pas. Le but n'était pas de me priver ou de souffrir inutilement mais d'étudier ma réponse à la frustration, de voir comment mon cerveau réagit sous pression, d'observer les pensées et les émotions suscitées par la rupture de mes habitudes.

J'ai appelé ça mon expérience stoïcienne.

Récemment, je m'étais interrogé sur le rôle de l'effort, de l'inconfort et de la discipline. Notamment, en écoutant le podcast de Chris Williamson avec David Goggins sur comment dépasser ses limites, en relisant Marc Aurèle et ses potes stoïciens, en repensant à certains enseignements du Bouddha sur la nature de l'expérience, en réécoutant la présentation de Joseph Goldstein sur la fin des passions, mais aussi, simplement, en prenant exemple sur des personnalités que j'admire qui semblent gérer l'effort différemment.

Aussi : grâce au contre-exemple de proches que je vois sombrer sous le poids de leurs addictions.

La théorie est la suivante : puisque personne n'échappe à la souffrance et à l'inconfort, il faut apprendre à vivre avec. Mieux : en faire des alliés. On ne contrôle pas les circonstances extérieures, c'est vrai, mais on peut contrôler notre relation à ces circonstances. Là existent une marge de progression et un terrain d'expérimentation.

Premier constat du weekend : c'est dur. Mais bref.

L'instant où on se refuse le gâteau, le session youtube sur le canap' ou la p'tite bière de fin de journée, cet instant-là est extrêmement difficile à traverser. Tout, à l'intérieur de soi, hurle : "Mais pourquoi ?! On a toujours fait comme ça !".  Le poids des habitude pèse et le corps se rebelle : la sensation de faim se fait plus aiguë, ou la fatigue, ou l'envie de boire. Il faut faire un effort qui semble démesuré face à la taille réelle de l'obstacle.

Et une minute plus tard... plus rien.

L'inconfort et la difficulté ont disparu aussi vite qu'ils étaient venus. Pas de trace, pas de séquelle. On ne se sent ni mieux ni moins bien, comme si l'obstacle n'avait jamais existé.

Puis, à mesure qu'on laisse passer chaque nouvelle envie, ça devient de plus en plus facile – toute catégorie confondue. On finit par moins vouloir, être moins attaché à la satisfaction de son désir. Sans objectif à atteindre dans le futur, on devient plus disponible pour le présent : on reçoit ce qui est plutôt que sans cesse comparer avec ce qui devrait être.

Conséquence : on réalise que, tout le reste du temps, on agit sur la base de pulsions très éphémères qui n'ont aucune conséquence sur le bonheur à long terme. Pire : satisfaire une envie renforce le mécanisme du "je veux / j'obtiens" qui rend plus difficile de résister au prochain assaut. Lâcher prise se travaille comme un muscle.

Deuxième constat : on se trouve dans des situations inédites.

Quand je m'interdis de m'effondrer sur le canapé pour une nouvelle session youtube, pendant un moment, je me trouve un peu con. Qu'est-ce que je fais à la place ? Si je ne m'allonge pas, je reste debout ? Je m'assois ? Mais... où ? À mon bureau ? Sur cette chaise dans le coin qui ne sert jamais ? Mais... POUR QUOI FAIRE ?

Une habitude, c'est l'autorisation qu'on se donne de s'abandonner corps et âme à une activité familière qui ne pose aucune question. Dès qu'on rompt le traintrain, plus rien ne va de soi et les questions reviennent. Tout devient nouveau et mystérieux. Et si je jouais du xylophone ? Si je nettoyais les carreaux ? Rappelez-moi : qu'est-ce qu'on faisait pour se distraire avant les portables ?

Parce que soyons honnête : une session youtube, c'est vingt minutes minimum – et il y en a plusieurs dans la journée. La bière, c'est souvent deux bières, et ça implique un trajet, des potes et du blabla. Quand au sucre, c'est comme la bouffe en général : c'est tout un rituel qui nécessite de faire des courses, de cuisinier, de manger, de faire la vaisselle, etc. Souvent avec la radio ou la télé.

Donc c'est mathématique : quand on arrête tout ça, on a du temps en plus.

Des heures, littéralement.

C'est pourquoi ce weekend, sans vraiment m'en rendre compte, je me suis remis à dessiner, j'ai refait de la musique sur mon Pocket Operator, j'ai visité une maison de retraite et un cimetière, j'ai lu beaucoup plus que d'habitude, et mon journal est rempli de fulgurances sur le sens de la vie et la nature de l'existence.

Je recommande.

Dessins du Weekend

Au lieu d'être scotché à mon téléphone, j'ai fait quelques dessins (toujours cette expérience stoïcienne dont je parlerai) :

Ne me demandez pas, j'en sais rien.

L'oiseau et l'oracle.
Mouche Man, le dernier Marvel.
La course débile.

On voit bien que ça n'a pas été généré par une I.A., non ?