Ceci N'Est Pas de l'Eau (Et Pas de l'Art)
Aux Franciscaines pour travailler. Je vois qu'il y a une installation immersive qui commence dans 5 minutes. Comme j'ai une copine qui est là-dedans et qu'elle n'a encore jamais réussi à me convaincre que ça avait le moindre intérêt, je pose mon sac à la consigne et j'y vais. On verra bien.
L'installation s'appelle Dernière Minute mais aurait aussi bien pu s'appeler "Générateur de Particules", parce que ce n'est que ça. Pendant une demi-heure.
On commence par trente secondes de voix off où une femme raconte qu'elle a dû disperser les cendres de son père dans la mer – sûrement pour faire croire aux commissions et à Arte qu'il y a du fond là-dedans. Puis on n'en entend plus jamais reparler.
Au début, c'est joli. La première minute. (Ça aurait dû être ça, le titre !) Des particules sur le sol et les murs qui ressemblent à de l'eau ou à de la fumée. Puis... ça reste la même chose. Pendant 29 minutes. Des points qui bougent. Puis des traits. Puis des points et des traits. Puis encore de l'eau... alors que la mer (la VRAIE !) est littéralement à cent mètres.
(On s'imagine le futur dystopique où on trimballera les enfants dans ce genre d'installation pour qu'ils aient une idée de ce que ça fait de "marcher dans l'eau". Je vous assure que ça n'a rien à voir.)
Au bout de dix minutes, des flashes très désagréables. Tout le monde ferme les yeux. On regarde les murs. Pour quoi faire ? ("Mais si ! C'est la douleur du deuil ! La rupture de... bla bla bla !")
Alors oui : à regarder en photo, c'est joli. C'est pour ça que j'y suis allé. Mais quand on y est, c'est creux. Artificiel. Ça ne raconte rien. On a l'impression qu'ils ont imaginé toutes les combinaisons géométriques possibles pour que ça puisse durer une demi-heure. Pour l'illustration d'un concert ou d'un spectacle vivant : oui, pourquoi pas. Mais seul...
L'ouvreuse nous a encouragé au début à "bouger, interagir". On se rend vite compte que c'est assez gadget et vers la fin, presque tout le monde s'était assis.
Seule chose que j'y ai gagné ? Dix euros.
Ah non, je les ai perdus aussi.
Quelle merde.
Photos de Nuit
J'utilise l'appareil photo de mon téléphone pour prendre des photos de mon fils ou – comme vous le savez – beaucoup trop de photos de plage. Hier soir, j'ai découvert la fonction photo de nuit qui est assez impressionnante.
Ça m'a fait penser à tout ce qu'on devait mettre en place autrefois pour faire la même chose – OK, pas si terrible : juste un trépied. Mais quand même, le progrès.
Première Tentative de Fabriquer des Humains
Contre toute attente, créer la vie est facile, rapide et gratuit :
Portrait créé sur midjourney puis animé sur Cutout. J'ai passé un bout de l'après-midi à explorer les outils d'intelligence artificielle qui pourraient servir pour les films, notamment Runway. C'est encore le début mais ça arrive.
Chauve-Souris Filmées à l'Envers = Boîte de Nuit Gothique
On filme des chauve-souris pendues par les pieds en retournant la caméra et bam ! Nous voilà un mercredi soir dans une boîte de nuit allemande des années 80 :
L'idée de base reste astucieuse : filmer des chauve-souris à l'envers à l'envers. Donc à l'endroit. Jusqu'à ce que l'une d'entre elles cherche à se verser un verre.
Pourquoi Tout Ce qu'On Pensait Savoir sur l'Économie Ne Semble Plus Vrai
Un article en première page de l'édition U.S. du New York Times ce weekend qu'on aurait difficilement pu imaginer il y a quelques années.
Seulement en anglais mais si je résume : la confiance placée dans le marché et la libéralisation après la chute de l'URSS – époque où certains parlaient d’une "Fin de l'Histoire" – montre ses limites de façon de plus en plus patente. Non seulement la globalisation n'a pas amené la paix, ni transformé les dictatures en démocratie, ni mis fin à la pauvreté, mais nous vivons dans une des époques les plus inégales de l'Histoire que les changements à venir – énergétiques, climatiques et socio-politiques – risquent d'accroître dans des proportions qu'il est difficile d'imaginer.
Rien de très nouveau, donc, pour qui se tient au courant.
La nouveauté, c'est que ça soit en première page du New York Times.
Vide et Fabrication
Deux pilliers du bouddhisme explorés récemment par la lecture du merveilleux Seeing that Frees de (feu) Rob Burbea, en écoutant les conférences de James Low que j’ai découvert il y a peu et, infatigablement, par les enregistrements d’Alan Watts qui ne cesse de m’émerveiller.
Le vide (« emptiness » en anglais) ne signifie pas qu’il n’y a rien.
Et pour cause : on voit, on entend, on ressent. On imagine. Quelque soit l’origine de ces perceptions et la nature de la réalité qui les produit, on peut se mettre d’accord là-dessus : on fait bien l’expérience de quelque chose. Donc non : il n’y a pas rien.
En revanche, dès qu’on s’intéresse à un sujet en particulier – un arbre, une chaise, un passant – on découvre qu’il est extrêmement difficile de définir quoique ce soit indépendamment du reste.
L’arbre, par exemple. Qu’est-ce qui fait qu’un arbre est un arbre ?
Facile ! Voyons… Un tronc. Des branches. Des feuilles. Des racines… Et voilà ?
Question : la terre autour des racines fait-elle partie de l’arbre ? Réponse : non ! La terre, c’est la terre ; l’arbre c’est l’arbre – ce sont deux choses séparées. Fort bien. Toutefois, a-t-on déjà vu un arbre sans terre ? Et s’il n’existe pas d’arbre sans terre, est-il bien raisonnable d’exclure l’un de la définition de l’autre ? Sur un même registre, l’air fait-il partie de l’arbre ? Avant de répondre, souvenez-vous que le bois vient du carbone de l’air piégé par photosynthèse. (« Les arbres ne poussent pas de la terre, disait Feynman, ils poussent de l’air.») Et, pour aller au bout du raisonnement, puisqu’il n’y a pas d’arbre sans photosynthèse, et pas de photosynthèse sans soleil, le soleil ne devrait-il pas être intégré à la définition également ?
Et la forme elle-même, la couleur des feuilles, les odeurs de bois et de chlorophylle, la rugosité du tronc, tout cela aurait-il un sens s’il n’existait, dans le même monde, des êtres doués de vision, d’odorat et de toucher pour en faire l’expérience ? Dés lors, ces caractéristiques sont-elles propres à l’arbre ou propres à ceux qui les perçoivent ? Le vert est-il une propriété des feuilles ou une propriété de notre cortex visuel lorsqu'on regarde un feuille ? Et dans ce cas, est-il bien raisonnable de nous exclure nous de la définition ?
arbre (n. m.) : Morceau d’univers fait de terre, d’air et de soleil dont les feuilles sont vertes quand certains animaux les regardent.
C’est pourquoi pour les bouddhistes, notamment dans la tradition du Dzogchen, rien n’existe indépendamment du reste.
Penser l’arbre sans terre, l’objet sans contexte, la partie sans le tout, c’est créer des concepts qui masquent la véritable nature des choses. Bien sûr, parfois, c’est bien pratique. Nos cerveaux n’étant pas extensibles à l’infini, il faut bien simplifier. Quand je choisis mes chaussettes le matin, je ne pense pas tous les jours au lien cosmique qui lie chaque fibre du tissu au reste de l’univers. Je prends les rayées parce qu’elles sentent moins fort.
Le problème survient quand on oublie que les concepts sont des concepts.
Ma chaussette, comme l’arbre, n’a pas d’essence propre, pas de caractéristique cardinale qu’on pourrait isoler du reste, pas de « chaussettitude » qui existerait indépendemment du monde et des observateurs. C’est ça que les bouddhistes appellent « le vide » : l’absence d’essence propre. Donc quand, par soucis de commodité, je considère ma chaussette comme une entité à part, je crée un concept. Et pourquoi pas : si ça me facilite le vie, tant mieux. Mais quand je prends ce concept pour une réalité, c'est la fin des haricots. J’oublie que le mot « chaussette » n’est qu’une représentation interne d’un morceau du tout qui, à tous les niveaux – physiquement, biologiquement, historiquement – ne peut être séparé du reste. Ce faisant, je crée un objet qui n’existe pas. À partir de rien, j'ai peuplé ma réalité d'un nouvel élément qui impacte ma vision du monde et mes actions. C’est ça, « la fabrication ».
Le soucis de la fabrication ? Elle isole.
En conceptualisant chaque phénomène comme une entité à part, tout semble déconnecté de tout. Les objets entre eux. Les gens entre eux. Soi par rapport aux autres. Le monde par rapport à soi. On oublie que cette séparation entre chaque chose n’est qu’une idée qu’on a soi-même manufacturée pour graisser le quotidien. En jaillissent une certaine solitude, une compétition, un désir de contrôle.
L’objectif de la méditation, notamment dans la pratique de la non dualité, c’est de déconstruire un par un ces concepts afin de percevoir à nouveau le monde tel qu’il est : Entier. Unique. Présent. Et dont, au même titre que les arbres et les chaussettes, nous faisons partie intégrante.
Et Chip Wickham, Vous Connaissez ?
Bien sûr, vous connaissez. Parce que vous êtes cools, vous. Et personne me dit rien à moi.
Je l’ai découvert par cette vidéo sur un sampler que j’utilise (Roland SP404 mkII), postée par Ricky Tinez dont j’avais parlé ici. Mais vous connaissez aussi, évidemment.
Sérieux, Arrête avec les Photos de Plage
J’essaye mais j’arrive pas !
C’est la dernière, c’est sûr. Demain, je commence les patches.
Entre Deux Infinis
Deux vidéos vues à plusieurs années d'écart mais qui m'ont marqué de façon similaire.
La première, "Voyage dans la Galaxie d'Andromède", m'a fait prendre conscience de la taille de l'univers. En bon ingénieur, je savais que c'était grand... mais pas à ce point. Regardez-la, c'est un mini documentaire passionnant qui bouleverse les échelles d'espace et de temps.
Pour l'infiniment petit, une toute petite vidéo : une protéine qui "marche" sur un microtubule. À l'heure où je vous parle, des milliards de protéines marchent tranquillou dans vos cellules.
Comme disait Pascal : nous voilà perdus entre ces deux infinis. Bonne nuit.