Si vous m'aviez posé la question avant-hier, je vous aurais dit que je ne suis pas très concert.
La musique est trop forte. Il y a trop d'agitation. C'est trop long.
Mais ça, c'était avant que mon pote Jackie Berroyer (qui, ne l'oublions pas, était chroniqueur musical pour Hara-Kiri et dont je reparlerai bientôt ici) m'invite voir Fat White Family hier soir à la Cigale. Jamais entendu parler. Je ne m'attendais à rien. "Tu vas voir, ils sont pas mal, ça pourrait te plaire".
OK, maintenant je comprends pourquoi les gens aiment les concerts.
Expérience incroyable. Oui, la musique était ouf, du rock qui envoie du lourd mais avec une recherche, une progression et quelques instruments qu'on n'attend pas (flûte traversière, sax baryton). Puis il y a le chanteur, Lias Saoudi. Il est en short. Dès la deuxième chanson, il descend dans la fosse et chante au milieu de la foule – ça donne le ton. Pendant le reste du concert, il chante (parfois hurle, mais sans jamais sortir de la musicalité) en équilibre sur les amplis, en position foetale au bord de scène ou porté par la foule.
Vu d'en haut, la fosse pulse. C'est une expérience collective. Mais on sent que tout ça est mené de main de maître par un groupe qui a l'habitude : on capte ici et là les petits gestes extrêmement précis qu'adresse le groupe aux techniciens ; derrière les personnages déjantés, il y a des professionnels qui ont pensé un spectacle construit et généreux. Et l'espace de la Cigale, où l'on circule librement, offre à la fois liberté et intimité pour profiter de l'expérience.
Je vois bien comment les gens qui ont vécu ça une fois dans leur vie peuvent enchaîner les concerts pour retrouver ce "high" initial. Et pourquoi certains anciens tournent en boucle sur une prestation vue dans leur jeunesse : "Ah tu sais, quand j'ai vu tel groupe en 76...".
"Un concert comme ça, tu t'en souviens toute ta vie" m'a dit Jackie en sortant. C'est bien parti pour.